Les Patriotes étaient nombreux hier à répondre à l'appel de la Coordination nationale des Patriotes qui devaient se rassembler devant le siège du Conseil de la nation avant qu'ils ne décident d'observer un sit-in ouvert à la place des Martyrs pour réclamer leurs droits, à haute voix et pacifiquement. Les Patriotes ont affirmé, hier, que la politique de la réconciliation s'est faite dans le déni des sacrifices et des attentes des Patriotes. “La tendance est plutôt à notre marginalisation et à la négation de nos droits, et que cette injustice doit être réparée”, déclare Tarek Chekroun, le coordinateur national des Patriotes. Ils sont venus de plusieurs wilayas du pays et parmi eux, des jeunes et des vieux, des handicapés et mêmes des aveugles. Beaucoup d'entre eux, ayant été blessés, portent des prothèses, mais ils sont tous venus exprimer leur ras-le-bol qui dure depuis 16 ans pour investir cette place symbole qui était hier en plein chantier et a été clôturée par des grillages. Les carrelages ont été enlevés en prévision des travaux, décidément vraisemblablement pour empêcher d'autres sit-in. “Ils ont commencé les travaux hier soir sur ces lieux et ont fermé toute la place”, dit un Patriote, qui y a passé la nuit avec d'autres de ses collègues. Les Patriotes ont chanté Qassaman avant de scander “Patriote hata el-mout” (Patriote jusqu'à la mort), tout en levant des photos des victimes de terrorisme dont le défunt cheikh El-Mekhfi, de Zbarbar. Fait très remarqué, ils ont réclamé la libération du Patriote Gharbi (condamné pour avoir tué un terroriste repenti à Souk-Ahras) en brandissant sa photo. À 10h, la place était déjà noire de monde. “On se sent délaissé et abandonné par l'Etat”, ont-ils répété. “J'ai regagné les rangs des Patriotes en 1997, j'ai participé aux grandes opérations militaires qui se sont soldées par la neutralisation des dangereux terroristes mais en 2005, j'ai perdu la vue et on m'a désarmé sans me prendre en charge. Je suis un père de 10 enfants et je n'ai pas une autre source de vie, je ne touche aucune pension et le wali m'a dit que ce n'est pas moi qui t'ai recruté !”, a notamment témoigné un vieux Patriote qui a perdu la vue et se trouve sans pension ni aide sociale. Les Patriotes de Boufarik affirment que plusieurs d'entre eux ont été désarmés “parce qu'on a réclamé nos droits, plutôt un seul droit : être assurés tout simplement. On a participé à des opérations militaires pendant des jours et à 35 km loin de notre région, on voulait juste une protection sociale avant qu'on soit surpris par notre désarmement”, révèlent-ils. 17 Patriotes ont été désarmés la semaine dernière à Blida parce qu'ils ont refusé de travailler “au noir” sans être assurés. D'autres Patriotes, venus de Chlef, ont déclaré avoir été désarmés “tout simplement, sans motif”, en exhibant des documents de décharge qui ne portent ni la signature ni le cachet du chef chargé de l'armement. Certains affirment que l'opération de désarmement a commencé bien avant. “En 2003, on nous a donné des fusils à pompe et fusils de chasse à la place des kalachnikovs mais en 2010, on nous a carrément désarmés sans motif et sans indemnité !”. “On ne communiquera qu'avec un représentant de la Présidence ou le général Hamel qui a réglé le dossier des gardes communaux, un corps créé par les Patriotes. Le Président nous a fait des promesses et nous attendons depuis 16 ans.” Pour Ali Bougataya, le célèbre Patriote de Ouled Slama, à Larbaâ, “seul le Président réglera ce dossier d'autant qu'il nous a promis, nous dépendons certes de l'armée, mais elle est plutôt occupée par la lutte contre le terrorisme et la sécurité du pays et pas de la prise en charge de nos problèmes socioprofessionnels”. Les Patriotes ont décidé de passer la nuit encore sur cette place. “Nous irons même à une grève de la faim”, précise Tarek Chekroun.