À un peu plus de trois mois des élections du 24 juillet prochain, le Premier ministre tunisien par intérim n'a pas caché son inquiétude, hier, quant aux conséquences de l'exclusion de la politique des membres du parti au pouvoir, RCD, durant le règne de Zine El-abidine Ben Ali. Le débat que vit la Tunisie sur le sort des membres du parti RCD du président déchu, Ben Ali, dont des centaines avaient manifesté, la veille à Tunis, pour protester contre leur exclusion des prochaines élections, n'a pas laissé de marbre le Premier ministre tunisien par intérim, Beji Caïd Essebsi. En ouvrant les travaux de la première conférence des gouverneurs des 24 régions du pays, le successeur de Mohamed Ghannouchi a fait part de ses inquiétudes quant aux conséquences de l'exclusion de la vie politique des membres du parti au pouvoir du temps du président Ben Ali, le RCD. Il a estimé que cette décision prise par la Haute commission chargée d'organiser les élections du 24 juillet risquait de “déséquilibrer” le paysage politique et ne serait “d'aucun apport” aux partis nouvellement créés. Le 24 juillet, les Tunisiens seront appelés à élire une assemblée constituante qui doit ensuite rédiger une nouvelle Constitution pour fixer le cadre d'une seconde République tunisienne, après la chute du régime du président Zine El-Abidine Ben Ali, le 14 janvier dernier. La veille, Beji Caïd Essebsi avait jugé que cette question devait faire l'objet d'une “réflexion approfondie”, précisant au passage que le gouvernement de transition trancherait vendredi prochain. Pour rappel, le 12 avril dernier, la Haute commission chargée de préparer l'élection d'une assemblée constituante a décidé d'exclure de la candidature toute personne ayant assumé une responsabilité dans le gouvernement ou dans le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) durant les 23 ans de règne de Zine El-Abidine Ben Ali. Après un très vif débat sur la durée de l'exclusion, car certains voulaient placer la barre aux dix dernières années, le vote a vu les tenants de la période complète du règne de Ben Ali depuis 1987 l'emporter. Dans le même ordre d'idées, la commission a également décidé d'écarter tous les signataires d'une pétition de soutien à une nouvelle candidature de Ben Ali en 2014. À la fin du mois écoulé, Caïd Essebsi avait indirectement plaidé pour le RCD, estimant que le parti avait été dévoyé par le clan Ben Ali, en déclarant que “beaucoup de patriotes en ont été écartés, et dans le RCD, il n'y a pas que des monte-en-l'air”. Ceci étant, la justice avait dissous le 9 mars, à la demande des nouvelles autorités, le RCD, lequel, lorsqu'il dominait la scène politique, revendiquait plus de deux millions d'adhérents pour 10 millions d'habitants. Fondé le 27 février 1988 par Ben Ali, le RCD avait succédé au Parti socialiste destourien (PSD) lui même successeur en 1964 du Néo-Destour, fondé le 2 mars 1934 par Habib Bourguiba. Les inquiétudes de Beji Caïd Essebsi interviennent au lendemain de la visite à Tunis du président en exercice de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), et chef de la diplomatie de Lituanie, Audronius Azubalis, qui a estimé que la Tunisie doit “faire très attention” à la façon de traiter les personnes qui ont soutenu l'ancien régime. “Je n'ai pas de conseils à donner, mais je sais que c'est un grand défi”, a-t-il notamment déclaré à la presse.