Dans un contexte régional, à la fois mouvementé et porteur d'espoirs à travers la dynamique du “printemps arabe”, l'Algérie s'apprête à célébrer le cinquantième anniversaire de son indépendance, en aspirant à un meilleur être et à plus de démocratie, à l'instar de tous les peuples du monde. Pour mieux cerner les faits saillants qui ont marqué l'évolution du pays depuis le début du troisième mandat présidentiel de 2009 à nos jours, un bref rappel historique s'impose. Les années 2000—2011, marquées par l'avènement du pouvoir actuel, ont été caractérisées, sans conteste, par des avancées notables, mais également par de nombreuses insuffisances politiques, économiques et sociales. Le rétablissement de la situation sécuritaire, grâce à la lutte des forces de sécurité, des patriotes ainsi que la mobilisation des citoyens contre l'intégrisme religieux et le terrorisme, le retour du pays sur la scène internationale (accéléré par les attentats contre les USA en 2002, prouvant le caractère transnational du terrorisme), la reconstitution des réserves de change, le remboursement anticipé de la dette extérieure et la restauration des grands équilibres financiers grâce à l'embellie pétrolière, le lancement de grands projets de réalisation des infrastructures de base, la mise en œuvre de programmes ambitieux de logement, la réduction relative du chômage, l'investissement dans le développement humain à travers d'importants transferts sociaux (17% du PIB)… Tels sont notamment les principaux chantiers initiés dans le cadre des différents plans de développement qui ont nécessité la mobilisation de centaines de milliards de dollars. à côté de ces aspects indéniablement positifs, il reste que de grands questionnements s'imposent particulièrement de 2009 à aujourd'hui. Outre les amendements constitutionnels qui ont mis fin à l'alternance au pouvoir, accompagnée dans les faits par le gel de tous les contre-pouvoirs, des interrogations se font jour autour du mode de gouvernance, de la gestion de la sphère microéconomique, du manque de lisibilité ainsi que des hésitations dans la politique macroéconomique d'ensemble. Dans ce climat de crispation politique et économique, l'éclatement de scandales successifs, dans les secteurs des hydrocarbures et des infrastructures de base, ont jeté le discrédit sur le mode de gouvernance de l'économie nationale de façon générale, particulièrement ces trois dernières années. Par ailleurs, les balbutiements d'un retour vers le “patriotisme économique” et la prise de mesures de sauvegarde, à travers notamment la loi de finances complémentaire 2009, par les réactions qu'elles ont soulevées, ont mis à nu les antagonismes entre, d'une part, le capital national productif privé et public, et d'autre part, les tenants de la rente, de la spéculation et du secteur informel. Ces antagonismes ont été aggravés par la faible performance de l'outil de production nationale (le secteur industriel participe à peine à hauteur de 5% du PIB), les contraintes de financement des opérateurs privés - couplées aux “hésitations idéologiques” des partisans du tout-état -, l'absence de concertation avec les partenaires économiques et sociaux ainsi que le verrouillage du champ d'expression politique, médiatique et syndical. Le pouvoir politique, ayant objectivement réduit sa base sociale, et face à un manque de vision stratégique, tente de compenser “l'instabilité” qui se dessine, par un recours excessif à des instruments (au caractère très volatile) d'encadrement juridique et réglementaire de l'économie et de la sphère commerciale. Cette démarche a eu deux conséquences majeures. La montée en puissance du secteur informel (70% du chiffre d'affaires commercial) dont les velléités politiques sont désormais avérées et reconnues par les plus hauts responsables de l'état qui craignent que “les barons de l'informel ne portent atteinte à la stabilité sociale”. Dans le même temps, la montée en puissance de la protestation sociale à travers toutes les régions du pays et qui touche tout le corps social et professionnel de la société. Cette “protesta algérienne” a été nourrie ces dernières années par un profond sentiment d'injustice et de frustration devant l'aggravation des conditions de vie quotidiennes des citoyens - chômage des jeunes, difficultés d'accès au logement, aux soins, aux services publics, cherté de la vie, corruption…-. Pour prévenir les risques de “l'effet domino de la rue arabe”, les pouvoirs publics ont pris des “mesures d'apaisement” à caractère essentiellement social, dans “l'urgence d'anticipation de la crise”. Ces mesures, ne semblent pas, pour autant, endiguer les revendications des différentes corporations professionnelles et des jeunes chômeurs. Au-delà de l'importance de l'enveloppe financière (286 milliards de dollars) qui est consacrée à la consolidation de la relance économique à l'horizon 2014, ce sera à l'aune de l'ouverture authentiquement démocratique, en prenant notamment en considération, la dimension politique des exigences citoyennes, que la crédibilité du pouvoir se jugera et que l'avenir de l'Algérie dans le concert des nations modernes se déterminera. Le discours à la nation du président de la République, semble répondre partiellement, mais sans calendrier précis, aux attentes des Algériens. Il a toutefois le mérite de reconnaître la nature fondamentalement politique de la crise que vit le pays, du fait du déficit démocratique dans le fonctionnement du régime politique actuel.