L'Irak reste au centre de la vie politique américaine six mois après la chute de Bagdad et les Américains, qui ont toujours à l'esprit le Vietnam, redoutent désormais l'enlisement. Fait nouveau, une majorité d'entre eux avance même aujourd'hui que la guerre contre l'Irak ne valait pas le coup, selon une étude CBS-New York Times publiée début octobre. Cet indicateur marque un scepticisme croissant de l'opinion dans le contexte de l'affaire Wilson, du nom de Joseph Wilson, l'auteur d'un rapport sur les armes de destruction massive (ADM) accusant la Maison-Blanche d'avoir essayé de le punir pour avoir mis en cause les justifications de la guerre. Le doute est largement relayé par l'opposition démocrate, notamment les candidats à la Maison-Blanche en 2004. “Nous avons besoin de savoir si nous avons été trompés délibérément”, a lancé récemment l'un d'entre eux, Wesley Clark.Cette Administration “gouverne contre la volonté de la majorité”, en utilisant des “faits tordus, le silence, les secrets”, a-t-il dénoncé. La presse s'interroge elle aussi de plus en plus sur les raisons avancées par l'Administration Bush pour plaider la nécessité de la guerre, alors que David Kay, chef du Groupe d'inspection en Irak (ISG), vient d'affirmer n'avoir trouvé aucune ADM. Les Américains s'inquiètent aussi du coût des opérations : la Maison-Blanche a demandé une rallonge de 87 milliards de dollars, notamment pour maintenir des forces en Irak et reconstruire le pays. Cette somme, après les 79 milliards déjà accordés par le Congrès, suscite une polémique alors que les déficits atteignent déjà des niveaux record et que la reprise économique reste peu palpable, avec un taux de chômage élevé. La montée des inquiétudes se reflète dans la popularité chancelante du président George W. Bush, qui sillonne le pays depuis l'été pour récolter des fonds de campagne afin d'assurer sa réélection en novembre 2004. Son taux d'approbation est récemment passé sous la barre des 50%, pour la première fois depuis son entrée en fonctions en janvier 2001. Les responsables de l'administration Bush ne ratent pourtant pas une occasion de souligner les “progrès” accomplis en Irak depuis la chute du régime, déplorant au passage que la presse ne relate pas ce point de vue. La population retient surtout les attaques quotidiennes contre les “boys”. La guérilla, qui s'est installée dans le pays, selon l'aveu même du Pentagone, a déjà fait davantage de morts que la guerre à proprement parler. Au 6 octobre, le bilan s'élève à 320 soldats américains tués, dont 182 depuis le 1er mai.