“Le mécanisme d'évaluation par les pairs” de l'Union africaine avait déjà fait sourire plus d'un. L'institution suppose que les dirigeants africains, globalement acquis à la pratique de l'enrichissement des clans, puissent se désolidariser d'un des leurs et lui refuser le quitus de la gestion éthique des affaires de son Etat. Elle ne peut, en fait, constituer qu'une instance d'autoévaluation forcément complaisante destinée à contrarier le constat éclatant des institutions internationales, ONG et autres experts sur l'effet désastreux de la nature prédatrice de la plupart des régimes africains sur le développement de leur pays. Les parlementaires africains n'ont donc pas voulu être en reste des pouvoirs réels ; ils ont institué, eux aussi, un “mécanisme” continental de blanchiment moral : “Le réseau parlementaire africain de lutte contre la corruption.” Et comme, bien entendu, il compte une section algérienne, censée exprimer l'engagement de notre Parlement dans la lutte contre le fléau des détournements et malversations, celle-ci a organisé, avant-hier, la présentation du dispositif légal et judiciaire de répression de la corruption en Algérie. Mais, sans donner d'explication sur l'écart entre la richesse de cette armada juridique et l'explosion des faits de corruption au cours d'une décennie fertile en produits législatifs et réglementaires et en incantations autour du thème de la moralisation de la gestion des deniers publics. “Dès 1999, le président Abdelaziz Bouteflika avait fait part de sa détermination à lutter contre la corruption”, déclare, à cette occasion, un vice-président de l'Assemblée nationale. Cette détermination a été apparemment sans effet, voire d'effet contraire à sa finalité, puisque le même vice-président reconnaît une augmentation significative du phénomène dans notre pays. Discourir sur les moyens de lutte contre la corruption après avoir rejeté une proposition d'enquête sur l'ampleur et les causes d'un fléau qui sanctionne le développement national et menace la cohésion sociale ne peut constituer qu'un subterfuge de… détournement de l'attention populaire sur un phénomène qui hypothèque le développement et le progrès politique du pays. Alors que la question est de s'expliquer sur la recrudescence du pillage politique des ressources nationales, l'APN, organe de contrôle de l'usage de la richesse nationale, s'interdit le diagnostic et pérore sur le remède. Au-delà de la fonction mystificatrice de ces “mécanismes” continentaux, il serait irréaliste d'attendre des systèmes africains qu'ils s'investissent dans l'abolition de ce qui est le fondement de leur survie : la maîtrise de la répartition de la rente. Leurs personnels y sont attachés parce qu'ils leur assurent une permissivité envers les pratiques prévaricatrices. Dans ce domaine comme dans d'autres, la loi, si pertinente soit-elle, est sans effet sur la logique systémique. Faute de justice indépendante, elle est neutralisée ou actionnée en fonction de la volonté politique. Elle sert à monter la garde sur le domaine de corruption qui sera alors sélectivement ouvert aux appétits autorisés. La corruption n'est pas un phénomène parapolitique ; c'est une composante du système politique. M. H. [email protected]