L'Algérie va présenter au sommet de l'Union africaine d'Accra son expérience sur la bonne gouvernance. Notre pays a déjà fait l'objet d'une évaluation de son système de gouvernance par le MAEP (Mécanisme africain d'évaluation par les pairs). A l'issue de cet examen de passage nous saurons où se situe l'Algérie en termes de bonne gouvernance dans tous les domaines de la vie du pays. C'est du moins l'objectif proclamé de ce genre d'audit intra-africain. Un objectif louable au regard des attentes des peuples africains en la matière et du retard accusé par les Etats africains qui s'ouvrent fraîchement à la démocratie contraints et forcés par l'environnement international et la pression de l'élite et de l'opposition locales. Cependant l'exercice du pouvoir dans les pays africains qui demeure encore le monopole de groupes et de castes qui n'entendent concéder aucune parcelle du pouvoir à l'opposition renvoie à une autre réalité de la gouvernance africaine. Les mécanismes d'évaluation mis en place par les chefs d'Etat africains qui adhèrent à cette initiative n'ont ni la pertinence ni les prérogatives d'un organisme indépendant apte à apprécier à l'aune des standards internationaux universellement admis les bons et les mauvais élèves de la gouvernance africaine. La démarche adoptée par l'UA qui parraine au plan institutionnel cette opération de démocratisation sous tous ses aspects des systèmes africains apparaît en effet aux yeux de nombre d'observateurs peu crédible dans ses fondements doctrinaux autant que dans sa mise en œuvre. Ce système d'auto-évaluation qui fait des Etats et des gouvernements africains ayant adhéré au Mécanisme africain d'évaluation par les pairs des partenaires à la fois juges et parties apparaît fatalement inapproprié pour avoir une photographie réelle et sans complaisance des politiques africaines de développement et des systèmes de gouvernance dans le continent. Pour la simple et bonne raison que l'on ne peut pas demander à un chef d'Etat africain de noter négativement la copie de ses homologues africains auxquels le lient parfois des relations privilégiées de peur de subir l'effet boomerang lorsqu'il aura à son tour à rendre des comptes sur sa propre gouvernance devant ses pairs. Cette solidarité partagée fait qu'il s'instaure tout naturellement une espèce de modus vivendi, de pacte de non-agression tacite entre les chefs d'Etat africains qui se contenteront de limiter leurs remarques et « critiques » sur des questions subsidiaires, de forme, en occultant les observations qui fâchent et qui touchent, celles-là, à la nature et aux fondements des systèmes politiques, économiques et sociaux africains. C'est dire combien le jeu est biaisé. Les élections qui se sont déroulées en Afrique depuis que le pari de la bonne gouvernance a été lancé n'ont jamais été aussi entachées d'irrégularités. Les pays gardiens des valeurs démocratiques dans le monde n'ont bien évidemment rien vu de tel et ont validé ces élections sous les effluves de pétrole, d'or et d'autres richesses si convoitées. L'une des faiblesses précisément du MAEP est de n'avoir pour seul et unique interlocuteur que les institutions officielles des Etats africains dont il puise ses données et sa documentation. La société civile qui peut avoir un autre éclairage et une autre perception des réalités nationales est tout bonnement occultée dans l'agenda des visites des responsables de cette structure. Lorsqu'il arrive à des représentants d'ONG et de la société civile d'être reçus en audience, leur avis ne compte pas. La raison d'Etat ou plutôt les intérêts des Etats passent avant. Pour toutes ces raisons, il ne faudrait pas s'attendre à une grande Révolution, à un déballage historique, à une remise en question des gouvernements africains à Accra. Où qu'ils se trouvent, dans les forums internationaux, ou en terre africaine, les réalités beaucoup plus amères que ne le présente le discours officiel africain de la gouvernance en Afrique, que ce soit aux plans des libertés, de l'Etat de droit, de la justice sociale, de la répartition équitable des richesse finissent toujours par rattraper les dirigeants africains.