Tous les placards publicitaires d'institutions et d'entreprises publiques doivent impérativement passer par l'agence officielle, l'Agence nationale de l'édition et la publicité (Anep). La distribution se fait à la tête du client. Secret de Polichinelle car seuls les titres proches du pouvoir en bénéficient. Peu importe leur tirage et/ou leur influence. Les agréments, aussi livrés dans l'opacité, sont de plus en plus attribués par effraction à la loi à des députés, à des politiques et à d'autres personnes en connivence avec les hautes sphères. Pendant ce temps, la loi tant attendue pour trancher, enfin, le nœud gordien des tribulations des publicitaires en Algérie tarde à voir le jour. Le texte est mis au placard, et ce, depuis 1999 par les parlementaires de la Chambre haute, le Sénat, ceux de la Chambre basse l'avaient alors approuvée. Pourquoi une loi sur la pub ? Contacté par téléphone, M. Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la Culture et de la Communication, et porte-parole du gouvernement (1998-1999), qui en a fait son cheval de bataille, explique que cette loi s'impose pour d'abord combler un vide juridique, étant donné que seul un décret datant de 1967 portant création de l'Anep subsiste depuis. La loi sur la publicité, qui s'inscrit dans une stratégie globale, et non pas un acte isolé, devait être promulguée dans l'optique de réglementer la communication dans le cadre institutionnel, garantir la transparence de gestion et la professionnalisation de la communication institutionnelle. Dans la foulée, il était également question de l'élaboration d'une loi portant régulation du marché de la pub. À cette époque, 1999, dit notre interlocuteur, les initiateurs de la loi sur la publicité avaient pour ambition de “réhabiliter” le système de communication institutionnelle et la mise à niveau de l'Anep, à même de faire d'elle une entreprise indépendante et compétitive. L'impact des publicités devait alors se répercuter positivement sur les institutions publiques. Mieux encore, la “volonté politique” affichée par Zeroual à l'époque, soutient M. Rahabi, allait même permettre l'association de l'Anep à de grands groupes de communication européens, dès lors qu'elle devait bénéficier de l'expérience de ces géants. Ce qui permettra, du coup, aux médias nationaux, notamment l'audiovisuel – l'ouverture était alors prévue–, de s'imposer au-delà du territoire national en tant qu'outil incontournable d'information. Mais la loi étant bloquée par le Sénat, l'idée de l'ancien ministre ne deviendra jamais réalité. “Tout ce qui a été dit n'est que de la pure diversion, manière de voiler la vérité et de la fuir de façon à préserver l'Anep comme "tiroir-caisse" et en faire un "outil de pression politique"”, regrette, aujourd'hui, M. Rahabi, lui, qui dénonce “la création de nouveaux titres dans le seul but de bénéficier de la publicité. Des journaux inconnus ou presque, qui bénéficient de plus de 2 millions de DA par jour”. Mais c'est une situation qui ne l'étonne guère tant que, dit-il, “la culture de l'informel est généralisée à tous les secteurs”. Parmi les griefs retenus contre l'ancien ministre figurait, entre autres, l'alibi comme quoi il voulait “favoriser les titres à grands tirages”. Mais il se trouve que les pouvoirs publics se sont, encore une fois, trompés de cible. Ignorent-ils que le monopole de l'Anep bloque, par ailleurs, la communication des institutions ? “Quand on prive des entreprises comme Mobilis ou Sonatrach de placer des publicités dans des supports viables, des titres à gros tirages, n'est-ce pas là une atteinte aux intérêts de l'Algérie ?” s'interroge M. Rahabi. “Dommage que nous nous retrouvons encore dans la culture de l'informel. Et qu'on tarde à mettre les activités des institutions au service de l'information, de l'opinion publique et dans une logique de consensus. Aujourd'hui, il est temps de mettre l'Algérien dans la modernité”, conseille-t-il encore. Combien durera encore l'hégémonie de l'Anep sur la publicité des institutions et de l'administration publiques ? Les récentes recommandations soumises aux députés par l'envoyé spécial onusien pour la promotion et la protection des libertés d'expression et d'opinion, M. Franck La Rue, seront-elles prises en compte ?