Les débats économiques des derniers mois, qui s'appuient la plupart du temps davantage sur des opinions et des commentaires que sur des faits et des informations, ne permettent pas toujours de se faire une idée précise sur l'état actuel de l'économie algérienne. Dans le paysage institutionnel national, les analyses livrées par la Banque d'Algérie sont sans doute celles qui possèdent le plus de recul et qui dressent le bilan le plus complet. Même si les locataires de la villa Joly semblent sacrifier cette année à une tendance en vogue au sein de l'administration en faveur de la confidentialité de l'information économique. Voici quelques semaines, la Banque d'Algérie livrait sur son site les grandes lignes de son rapport de conjoncture pour le second semestre et donc pour l'ensemble de l'année 2010. Une synthèse nettement plus succincte que d'ordinaire mais qui comporte encore beaucoup de données pas toujours très connues sur l'état de notre économie et de nos finances. Le rapport, sans éviter les satisfecit qui s'appliquent en général au domaine de compétence de la Banque centrale, comporte également quelques avertissements. Retour de l'excédent de la balance des paiements Bonne nouvelle pour les finances nationales, après sa quasi-disparition en 2009, l'excédent de la balance des paiements est de retour en 2010. Même s'il ne retrouve pas les niveaux records atteints en 2007 et 2008 (plus de 30 milliards de dollars chaque année), l'excédent enregistré en 2010 est substantiel. Le solde global de la balance des paiements extérieurs est évalué à 16,4 milliards de dollars en 2010. La performance de la balance commerciale est également jugée “appréciable” en 2010, avec un excédent de 18,8 milliards de dollars. La principale cause de la formation de ces excédents se trouve bien sûr dans la hausse des recettes pétrolières. Le prix du baril de pétrole a poursuivi son redressement au second semestre 2010, culminant en moyenne à 92,82 dollars en décembre. Pour l'année écoulée, le prix moyen du baril de pétrole a atteint 80 dollars contre 62 dollars en 2009. Sur une base semestrielle, le prix moyen du baril de pétrole s'est situé à 77,5 dollars au premier semestre de l'année passée pour ensuite atteindre près de 83 dollars au second semestre 2010. En conséquence, les exportations d'hydrocarbures sont passées de 44,4 milliards de dollars en 2009 à 56 milliards de dollars en 2010. Seule fausse note dans ce tableau haut en couleur, les exportations hors hydrocarbures clôturent, selon la Banque d'Algérie, l'année 2010 à 1,07 milliard de dollars soit nettement moins que les 1,6 milliards annoncés voici quelques semaines par différentes sources. Un autre sujet de satisfaction pour l'année écoulée réside dans la stabilisation des importations de marchandises qui totalisent 38,38 milliards de dollars. La Banque d'Algérie souligne que les importations de biens d'équipement et de demi-produits représentent désormais plus de 60% des importations. Ces résultats, qui tranchent avec l'explosion des importations constatée jusqu'en 2008, sont certainement à mettre en relation avec les mesures d'endiguement adoptées depuis l'été 2009, la poursuite du programme d'investissement publics et l'augmentation du rythme des investissements du secteur des hydrocarbures ayant contribué à maintenir le caractère soutenu des importations de biens d'équipement industriels et de demi-produits. Près de 12 milliards de dollars d'importations de services Bien qu'on soit loin en 2010 de l'emballement constaté au cours des dernières années, les importations de services continuent de représenter une charge importante pour l'économie algérienne, la consolidation de ce dernier poste d'importation constitue pour la Banque d'Algérie “un élément de vulnérabilité” pour la balance des paiements. Cette catégorie d'importations, qui ne représentait encore que moins de 5 milliards de dollars en 2006, a connu une véritable explosion au cours des dernières années. En 2010, les importations de services ont connu une relative stabilisation à un niveau néanmoins très élevé et proche de 12 milliards de dollars “avec un effet de balancier entre le recul des importations de services liés aux bâtiment et travaux publics et la progression des importations des services techniques, notamment par le secteur des hydrocarbures”, indique le rapport de la Banque centrale. La solidité des finances extérieures Autre facteur ayant contribué à la bonne tenue de la balance des paiements en 2010, le poste revenus des facteurs qui enregistre les entrées et les sorties de revenus des capitaux est en équilibre pour la première fois depuis de nombreuses années, “conjointement avec des rapatriements plus importants au titre du rendement des réserves officielles de change, souligne la Banque d'Algérie, c'est la contraction des sorties en la matière qui a été déterminante. En particulier, les transferts des revenus des investissements directs étrangers qui ont baissé de près d'un milliard de dollars”. Au total, la Banque centrale peut donc se féliciter cette année encore de la solidité de la situation financière du pays. Stimulé par un solde global de la balance des paiements extérieurs évalué à plus de 16 milliards de dollars en 2010, le niveau des réserves officielles de change de l'Algérie à fin 2010 excède désormais trois années (38,75 mois) d'importations de biens et services, pendant que la dette extérieure totale s'est stabilisée et ne représente plus que 3,5% du produit intérieur brut estimé pour 2010. La Banque d'Algérie commente : “Ces deux principaux paramètres confirment la solidité de la position financière extérieure nette de l'Algérie et témoignent de sa résilience face à d'éventuels chocs extérieurs. La gestion prudente des réserves officielles de change, à un niveau permettant de faire face aux chocs externes, s'inscrit dans l'objectif stratégique de consolidation de la stabilité monétaire et financière du pays.” Une inflation contenue en 2010 Ceux qui attendaient un bulletin d'alerte sur l'inflation ne le trouveront pas cette année encore dans le rapport de la Banque centrale pour 2010. La villa Joly juge au contraire que “la conduite ordonnée de la politique monétaire par la Banque d'Algérie a contribué à contenir les pressions inflationnistes en 2010. Le taux d'inflation a reculé à 3,9% en 2010, alors qu'il était passé de 4,8% en 2008 à 5,7% en 2009. Cela témoigne d'une relative bonne tenue des prix en Algérie comparativement à la région Moyen-Orient et Afrique du Nord où le taux d'inflation s'est élevé à 6,9% en 2010”. Pour la Banque d'Algérie, c'est l'inflation importée qui est de nouveau sur la sellette : “Alors qu'en 2009, l'inflation, tirée par la hausse des produits agricoles frais était essentiellement endogène, de nouveau en 2010 comme en 2008, l'inflation importée a fortement contribué à l'augmentation du niveau général des prix en Algérie. En effet, les cours mondiaux annuels moyens des produits agricoles de base, notamment les céréales et la poudre de lait entier ainsi que les oléagineux, ont subi de fortes hausses de prix respectivement de 41%, 44% et 18,4%. De ce fait, les prix des 24 produits à fort contenu d'importations, dont 12 produits alimentaires, figurant dans l'indice des prix à la consommation, ont subi leurs plus fortes hausses depuis 10 ans à 7% en moyenne annuelle. Phénomène nouveau observé au quatrième trimestre de 2010, la hausse des prix mondiaux des produits de base importés, contrairement aux périodes précédentes où sa transmission s'effectuait avec un retard de 3 à 6 mois, s'est non seulement répercutée quasi instantanément aux prix domestiques de détail mais s'est, de surcroît, amplifiée, sans doute, en raison de comportements de nature spéculative rendus possibles par l'imperfection des marchés et la faiblesse de leur régulation.”