De passage, hier, à la rédaction de Liberté, Djoudi Attoumi et Abdelmadjid Azzi, deux anciens combattants de l'ALN de la Wilaya III (Kabylie) et auteurs de livres se rapportant à la guerre de Libération nationale, se sont exprimés sur certains évènements ayant provoqué la polémique, notamment sur l'interview qu'Ahmed Ben Bella a accordée dernièrement à l'hebdomadaire Jeune Afrique. M. Attoumi s'est dit “personnellement écœuré” par cette sortie, d'autant qu'elle émane du premier président de la République algérienne. Selon lui, ce dernier continue à “régler ses comptes sur le dos des chouhada”. L'auteur de Le colonel Amirouche, Avoir 20 ans dans les maquis et Chroniques des années de guerre en Wilaya III a également déclaré à Liberté : “En ma qualité de membre de l'équipe du PC (poste de commandement, ndlr) de la Wilaya III, je sais que tous les responsables du FLN de l'extérieur ont été invités, depuis avril 1956, à assister au Congrès de la Soummam, mais aucun d'eux n'a répondu à l'invitation. On disait alors qu'ils avaient peur de troquer leur costume et leur chemise contre des tenues de combat.” Djoudi Attoumi a, en outre, tenu à rappeler le message de Didouche Mourad qui disait : “Si nous venons à disparaître, défendez nos mémoires.” Une manière d'interpeller les autorités nationales et les moudjahidine. Quant à Abdelmadjid Azzi, il a soutenu que sa réaction est identique à celle de la majorité des Algériens, notamment les anciens combattants. “Nous sommes outrés et même en colère contre cette sortie lamentable d'un personnage qui fut le premier président après l'Indépendance”, a indiqué l'auteur de Parcours d'un combattant de l'ALN - Wilaya III (éditions Mille-feuilles, 2010), en qualifiant les propos de Ben Bella d'“offense contre tous les Algériens dignes de ce nom et les Patriotes”. Par ailleurs, M. Azzi a estimé que l'actuel président du Comité des sages de l'Union africaine, en prétendant que ceux qui ont déclenché le 1er Novembre 1954, “c'est-à-dire le Comité des 22, puis le Comité des 6”, n'ont rien fait procéder ni plus ni moins d'“une falsification grave de l'histoire, passible des tribunaux”. “Nous déplorons le silence inquiétant des institutions officielles chargées de protéger la mémoire collective de nos chouhada, ces hommes de gloire”, a-t-il martelé. L'ex-président algérien, pour rappel, a accordé une interview à l'hebdomadaire français Jeune Afrique, publiée dans l'édition du 8 au 14 mai derniers. Lors de cette “soirée à bâtons rompus”, Ben Bella, 94 ans, s'en est pris violemment aux figures emblématiques de la lutte de Libération nationale, en particulier à Abane Ramdane, Mohamed Boudiaf et Hocine Aït Ahmed. Il s'est même aventuré sur la voie périlleuse de la réécriture de l'histoire de la guerre de Libération nationale, en déclarant tout de go : “Le 1er Novembre, c'est moi.” L'interviewé s'est, en outre, attribué le beau rôle dans l'attentat contre la poste d'Oran, en 1949, faisant ainsi de l'ombre au chef de l'Organisation secrète (OS) de l'époque et décidant, pour des raisons qui restent à élucider, de traiter Aït Ahmed de “beaucoup plus Kabyle qu'Algérien”. À une année de l'ouverture des archives de la guerre d'Indépendance, par l'Etat français, et si l'on se réfère au dit numéro de Jeune Afrique, personne ne trouve grâce aux yeux de l'ancien président, qui a usé de termes désobligeants, voire humiliants, vis-à-vis de ceux qui ne sont plus de ce monde et qui ont joué un rôle conséquent dans le mouvement national. Ni Messali Hadj, ni Krim Belkacem, ni Mohamed Boudiaf, encore moins Abane Ramdane que l'on surnomme “l'architecte de la Révolution”. Même l'actuel chef de l'Etat, présenté comme “le moins mauvais”, a été critiqué pour sa situation matrimoniale. Les seuls qui semblent susciter chez lui de l'admiration sont le général De Gaulle, dont “l'arrivée au pouvoir (…) ne pouvait qu'être une bonne nouvelle” et, aujourd'hui, les Marocains qui, comparés à nos voisins tunisiens, “sont des vrais combattants”.