“Mangez votre pain et rester chez-vous !” C'est par ces mots lourds de sens que le patron de la Centrale a tenté de minimiser l'attaque de ses ex-camarades, dont il est la première victime. Alors que l'embrasement du front social, mené par les syndicats autonomes, va crescendo, un malaise profond s'empare de la Centrale syndicale. Ce malaise n'est pas en rapport avec l'ébullition du front social, mais il est provoqué par la montée au créneau d'anciens cadres de la Centrale elle-même pour lancer une initiative pour le “changement” et la “préservation” des acquis historiques de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA). C'est cette initiative qui, désormais, ébranle la sérénité des dirigeants actuels de l'UGTA, lesquels ne s'attendaient guère, semble-t-il, à une telle attaque émanant de leurs anciens camarades. Ces derniers, auteurs de l'initiative, sont 6 anciens “poids lourds” de l'UGTA, dont 4 secrétaires nationaux, en l'occurrence Aïssa Nouasri, Amar Mehdi, Amer Mohamed et Lakhdar Mohamed Lakhdari, ainsi que les ex-membres du bureau de l'UGTA d'Alger, Mohamed Benmeridja, et d'Hussein-Dey, Dahmane Boukhitine. C'est cette initiative qui a fait sortir, hier, le staff dirigeant de la Centrale de sa longue léthargie, pour tenter de minimiser la portée de l'élan entrepris à son encontre par ses ex-camarades. L'objectif de répondre aux “nouveaux ennemis” à peine voilé, la direction de l'UGTA a initialement prévu une réunion “ordinaire” et ouverte à la presse, de tous ses cadres, présidée par le SG Abdelmadjid Sidi-Saïd, pour “évaluer la situation sociale”. Dans son discours inaugural fleuve, le patron de la centrale s'est contenté de résumer le bilan rétrospectif énumérant certains “acquis” sociaux, pour aussitôt se mettre à vilipender ses détracteurs. Sa colère visible, Sidi-Saïd regrette d'abord que cette “attaque” contre l'UGTA émane de ses propres membres, ceux-là même qui ont en tiré profit pendant de longues années. “Respectez au moins l'arbre qui vous a donné des fruits !” s'est-il écrié, allusion faite aux ex-cadres de l'UGTA qui se sont retournés contre la Centrale et critiquent la mauvaise gestion dont elle est victime. Entouré de ses cadres dirigeants, à leur tête MM. Djenouhet et Malki, venus en masse comme pour se solidariser et faire le dos rond face à toutes les agressions internes et/ou externes, le secrétaire général de l'UGTA a poursuivi de lancer ses boulets envers ses adversaires en leur disant : “Mangez votre pain et rester chez-vous !”. C'est par ces mots lourds de sens que le patron de la Centrale a tenté de minimiser l'attaque de ses ex-camarades, dont il est la première victime, en avançant que “tout ce qui se dit ici et là est une futilité pour moi”. Et d'assener encore : “Nous n'avons que faire de ce chuchotement de mouches !”. D'où l'opposition, à l'unanimité de l'assistance, à l'élaboration d'un communiqué final, initialement prévue, en guise de réponse aux détracteurs de la Centrale. Pour Sidi-Saïd, les “frondeurs” viennent de “violer” le principe de respect mutuel entre syndicalistes. “C'est une honte que de voir d'ex-responsables de l'UGTA se dresser soudainement contre nous pour nous insulter. C'est immoral de sortir sans aucune réflexion pour dire des banalités sur son organisation.” Sidi-Saïd feint de rester toutefois imperturbable : “Mais ceci ne nous perturbe pas outre mesure. Ça a seulement provoqué le débat. C'est un non-événement !”. S'entêtant à dissimuler son désarroi, M. Sidi-Saïd est allé jusqu'à faire croire que “l'actuelle direction est celle qui honore le plus l'UGTA depuis sa création en 1956”. Pour lui, si l'UGTA est de plus en plus exposée à la diatribe, c'est parce qu'elle a toujours privilégié le dialogue et œuvré à “préserver la paix et la stabilité” du pays. En ce sens qu'il estime que “la philosophie du syndicaliste est basée sur la tendresse et la solidarité”. Avec les pouvoirs publics ? D'où l'expression de “pompier du pouvoir” dont la Centrale est souvent accusée ? Sidi-Saïd dit non ! De son avis, l'UGTA ne peut que soutenir les pouvoirs publics, et à leur tête le président de la République, vu (leurs) efforts consentis ces dernières années, visant l'augmentation salariale de plusieurs franges de travailleurs. “Ces efforts ne sont pas des moindres. On ne peut donc nier la bonne volonté des pouvoirs publics.” Descendant en flamme ses détracteurs, Sidi-Saïd se veut rassurant : “On ne doute pas de notre représentativité, bien au contraire, plus on nous chatouille, plus on nous renforce.” N'ignorant certainement pas que le front social, récupéré par les syndicats autonomes, échappe, depuis, de plus en plus à la Centrale, Sidi-Saïd juge que l'action syndicale ne se traduit pas forcément par la protestation, sinon par le dialogue. “Oui, nous privilégions le dialogue. Notre mission étant d'éviter le mal à notre pays. Le dialogue est le chemin le plus dur, mais c'est aussi le plus rentable”, a-t-il commenté, lançant une fléchette aux syndicats autonomes. Chemin faisant, le patron de la Centrale a évoqué la tripartite prévue le 28 mai courant, et la “tripartite sociale” prévue pour septembre en perspective de la rentrée sociale. Parmi les propositions que l'UGTA compte soumettre au gouvernement, à l'occasion de ces deux rendez-vous, Sidi-Saïd a fait part de sa préoccupation d'œuvrer à “consolider et promouvoir la production nationale, seul gage pour améliorer le pouvoir d'achat”. “Lors de la prochaine tripartite, nous tenterons de trouver des mécanismes adéquats pour imposer le contrôle et la régulation du marché algérien des produits de consommation et éviter la spéculation qui lamine le pouvoir d'achat.” Dans un autre registre, le patron de la Centrale révèle que son organisation œuvrera lors de la prochaine tripartite à “l'harmonisation des conventions de branche et surtout trouver un cadre juridique pour qu'elles soient extensibles à tous les employeurs privés (opposés à celle-ci) et imposer leur application à tous les salariés qui n'ont pas de représentation syndicale”. Ceci, ajoute-t-il, tout en œuvrant, dans la foulée, à réviser les lois pour augmenter la représentation syndicale dans le secteur privé et notamment les entreprises étrangères.