Qui a dit que le changement pouvait se faire d'un tour de main ? Sauf à établir une dictature. La Commission électorale tunisienne a proposé dimanche, pour “des raisons logistiques”, de reporter au 16 octobre l'élection cruciale d'une Assemblée constituante initialement prévue fin juillet. Motif officiel : 7 millions d'électeurs à enregistrer, des problèmes d'organisation, de formation des agents inscripteurs ! Ça ne tient pas la route dans un pays qui a l'habitude de voter, même si ce n'était que de la poudre aux yeux. Ce changement de calendrier a été demandé par la plupart des acteurs du printemps de Tunis qui se sont rendu compte que construire la démocratie n'était pas si simple surtout dans un pays pavé par 23 ans de pouvoir policier. La tenue d'élections libres et démocratiques doit se préparer avec minutie, d'autant que parmi les écueils à la marche de la nouvelle Tunisie, il y a deux dangereux clans : les caciques de l'ancien régime sont aux aguets tout comme les islamistes sont en embuscades, malgré leur déclarations voulues réconfortantes sur les droits de la femme notamment et la laïcité. Ce scrutin doit être le premier depuis la chute du régime autoritaire de Ben Ali en janvier, dont le départ a ouvert la voie aux révolutions en gestation sur l'ensemble des pays arabes. L'Assemblée constituante a la tâche d'adopter une nouvelle Constitution fixant la Tunisie post-Ben Alin et de préparer des élections générales (législatives et présidentielles). Le gouvernement de transition devrait donner plus de précisions aujourd'hui mardi en Conseil des ministres, selon son porte-parole Taïeb Baccouche. Pour des observateurs, ce report serait un couac entre la Commission indépendante et le Gouvernement de transition ! En effet, le Premier ministre de transition, Béji Caïd Essebsi, répétait jusqu'ici “la volonté du gouvernement” de maintenir l'élection à la date du 24 juillet ! Puis il a subitement concédé que la décision ne dépendait pas de lui, mais de la Commission spéciale créée pour les élections.