Deux mille dinars de plus par mois pour les smicards en 2004. Voilà le prix de la voix des Algériens les moins bien payés. N'est-ce pas que le Chef du gouvernement a précisé que le surcroît de revenu des petits salariés a été commandé par le président de la République et le très probable candidat lui-même. L'Union générale des travailleurs algériens a fait semblant d'avoir “arraché” l'augmentation et le gouvernement a fait semblant de répondre aux revendications de la Centrale avant de préciser qu'il s'agit du résultat de la générosité présidentielle. Les charités vont pleuvoir dans les jours, les semaines et les mois à venir ; il suffira de se tenir au bon carrefour. Il ne faudra surtout pas que les conquêtes, les plus minimes, puissent être endossées par les luttes sociales et politiques des Algériens. Quand il s'agit d'initiatives revendicatives émanant de la société, c'est par la répression que le pouvoir accueille les demandes populaires. Les enseignants en savent quelque chose. Il faut que toutes ces largesses paraissent provenir de l'unique miséricorde présidentielle. Et cette bonté ne touchera pas, une fois n'est pas coutume, que l'encadrement de l'Etat et les hautes fonctions publiques. La démarche racoleuse, scandaleusement rééditée à chaque visite présidentielle dans les wilayas, est généralisée à toutes les cibles électorales : collectivités locales, confréries, corporations, etc. La mentalité de makhzen a supplanté la politique budgétaire ; c'est selon la contenance de la poignée du prince qui, de passage, sème la bonté souveraine. Les questions de développement comme celles du pouvoir d'achat sont conçues comme des actes qui visent à soudoyer les populations qui s'en souviendront quand le moment de voter adviendra. Elles ne sont point appréhendées comme des responsabilités d'Etat que le pouvoir du moment doit assumer en fonction de politiques pré-établies et d'impératifs socio-économiques objectifs. Ce qui fera de la fin de l'année 2003 et du début de l'année 2004 une période de dilapidation politicienne du Trésor public. Il n'est pas aisé de discuter de l'opportunité de débours qui se présentent comme un acte de soutien au développement local ou des augmentations de salaires qui, naturellement, constituent un élément de progrès social. C'est justement cela qui rend la démarche viciée plus cynique. Pourquoi, quatre années durant, les comptes nationaux furent à peu près stables, ce n'est qu'en fin 2003 que surgissent ces initiatives financières et médiatiques ? Sans compter l'absurdité des enveloppes dédiées, on ne sait en vertu de quel principe budgétaire aux zaouïas ! Il faut bien admettre que ce sont les voix plus que le bien-être des Algériens qui sont en jeu dans cette prodigalité-spectacle. Le procédé, même quelque peu dévaluant, aura le mérite de nous faire savoir ce que désormais valent nos voix. M. H.