Maître Brahimi, présent dans l'émission “L'invité de la rédaction” de la Chaîne III, considère que le projet de la dépénalisation de l'acte de gestion, qui sera soumis à l'APN, est tout le contraire de ce que signifie la dépénalisation. Pour Miloud Brahimi, adopter le projet de loi tel que présenté actuellement serait tout simplement une trahison de la pensée du président de la République. “Il s'agit d'un cas typique de ce qu'on peut appeler un dérapage total. D'un côté, le Président annonce le 10 février 2011 la dépénalisation de l'acte de gestion, cela a été accueilli avec un immense espoir et soulagement par les cadres de la nation. J'ai été personnellement invité à participer aux travaux qui devaient concrétiser l'engagement solennel et public du président de la République. Mais je me suis vite retiré de quelque chose qui m'est apparue surréaliste, parce que non seulement on ne voulait pas dépénaliser, mais on a tout fait pour ne pas dépénaliser du tout et vider l'engagement du président de la République de toute sa substance.” “Il y a des changements de contenus, et dans ce cas-là, je peux vous dire ce que j'ai lu dans ce projet, c'est que le remède est pire que le mal”, regrette l'avocat. L'invité de la Chaîne III considère qu'il est “lamentable” que le pays s'en tienne à des lois obsolètes, alors que ceux qui ont pris le chemin de la modernité s'en sont totalement débarrassé. “On ne peut aspirer à la modernité avec des textes comme ceux-là. Par exemple, la loi du 12 janvier 1988 avait, pour la première fois, découplé les entreprises publiques économiques du code des marchés publics, c'était une révolution. Je vous cite le décret du 7 octobre 2010 relatif au code des marchés publics ; on y trouve quelque chose de totalement schizophrénique dans son article 2, alinéa 1, le code des marchés publics s'applique aux administrations, ce qui est juste, alinéa 2, les entreprises publiques économiques sont tenues d'adopter le code des marchés publics. Ce qui veut dire qu'on est revenu sur la loi du 12 janvier 1988. C'est un retard d'une vingtaine d'années”, observe Miloud Brahimi. Et de passer ensuite à la révision de la Constitution qui est, selon lui, fondamentale dans le processus des réformes que veut engager notamment le président de la République. “J'ai fait une proposition qui a chahuté passablement de monde”, référence faite à l'adoption d'un système à la Turque. “C'est-à-dire que l'Armée se retire définitivement du champ politique et qu'elle adopte une attitude de stricte neutralité vis-à-vis des différentes sensibilités et que, le cas échéant, s'il se trouvait un président ou une majorité parlementaire qui veut porter atteinte à ce bloc démocratique et celui des droits de l'Homme, elle pourra intervenir, mais à condition qu'elle ne décide pas elle-même de sa propre intervention. Il faut prévoir une institution nationale composée de hautes personnalités au-dessus de tout soupçon qui pourrait lui demander d'intervenir. Je ne sais pas pourquoi cette proposition a suscité l'ire de certains amis démocrates”, s'est interrogé encore Miloud Brahimi. Enfin, s'agissant de l'indépendance de la justice, maître Brahimi considère que la loi n'est pas appliquée, et c'est à ce niveau que réside le problème. “Tout le monde parle de l'indépendance de la justice, de la liberté du magistrat, des droits de l'avocat, de la défense, mais je crois qu'on oublie une composante essentielle du fonctionnement de l'appareil judiciaire, c'est le justiciable lui-même.”