L'initiative française n'est ni plus ni moins qu'une opération pour saper le projet des Palestiniens de faire reconnaître leur Etat par l'Assemblée générale de l'ONU en septembre prochain si la situation n'évolue pas de manière concrète d'ici là. Deux jours après avoir rencontré le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé à Ramallah, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a exprimé samedi un appui très réservé à la proposition de Paris d'organiser une Conférence internationale dans l'Hexagone, avant fin juillet, en vue de tenter une remise sur les raïls du processus de paix au Proche-Orient, au point mort depuis la fin du moratoire sur les nouvelles constructions dans les colonies de Cisjordanie et le refus du gouvernement israélien de le prolonger. “Nous estimons que sur le principe cette initiative est acceptable”, a déclaré Mahmoud Abbas, évoquant un plan français qui “reprend la vision du président Obama (et) qui prévoit un Etat (palestinien) sur les lignes de 1967” et voisin d'Israël, de l'Egypte et de la Jordanie. Mais, a ajouté le président de l'Autorité palestinienne, ce plan prévoit aussi qu'“aucune partie ne pourra mener des actions unilatérales”. Cette dernière disposition est au cœur du dispositif proposé par la diplomatie française, de même qu'elle constitue l'une des motivations principales du dernier discours du président Obama à ce sujet. Il s'agit rien moins que de saper le projet des Palestiniens de faire reconnaître leur Etat par l'Assemblée générale de l'ONU en septembre prochain si la situation n'évolue pas de manière concrète d'ici là. Des démocrates américains n'ont pas hésité à rassurer leurs alliés israéliens, très remontés au lendemain du discours d'Obama évoquant un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967, en affirmant que le président américain manœuvrait en réalité pour faire échec à la menace palestinienne de recourir à l'Assemblée générale des Nations unies, idée à laquelle le locataire de la Maison-Blanche s'est d'ailleurs frontalement opposé. Pour sa part, même si la France n'a pas encore décidé de soutenir ou pas la demande palestinienne, Alain Juppé a été on ne peut plus clair sur ses motivations. “Nous sommes convaincu que s'il ne se passe rien d'ici au mois de septembre, la situation sera difficile pour tout le monde au moment de la réunion de l'Assemblée générale des Nations unies”, a-t-il déclaré après avoir discuté avec le président de l'Autorité palestinienne. “Il faut éviter d'en arriver là”, a-t-il ajouté, arguant que la proposition française, c'est-à-dire le retour “à la table des négociations” est la seule voie possible. Si la réaction palestinienne à l'initiative française est pour le moins prudente, le Premier ministre israélien observe, pour sa part, un mutisme total. Après l'accueil triomphal que lui a réservé le Congrès américain et les sondages récents indiquant qu'une majorité d'Israéliens soutient sa position, il semble relativement à l'aise pour persévérer dans sa stratégie qui consiste à renvoyer le plus loin possible la perspective d'un Etat palestinien négocié. Ce n'est pas pour autant l'unanimité dans l'Etat hébreu et beaucoup craignent que l'impasse diplomatique implique de nouvelles violences. À Tel-Aviv, par exemple, de nombreux manifestants ont brandi des pancartes demandant à Israël d'accepter un plan à deux Etats, dans le respect des frontières de 1967. Accueil mitigé de l'Autorité palestinienne, mutisme hostile du gouvernement israélien, quelles sont donc les chances d'aboutir de l'initiative française ? Elles sont minces en vérité, comme le reconnaîtra à demi-mot le patron du Quai d'Orsay lui-même. “Je mentirais si je disais que j'étais très optimiste”, a-t-il en effet avoué après en avoir discuté avec les deux parties. M. A. Boumendil