Washington ne veut pas de la conférence de paix sur le Proche-Orient que Paris a annoncée avec beaucoup de bruit. Hillary Clinton, la chef de la diplomatie américaine, n'est pas allée de main morte pour rabrouer son homologue en visite aux Etats-Unis pour justement faire la promotion de l'idée du président français auprès de l'ONU et des Etats-Unis. “Wait and see”, a-t-elle conseillé à son invité, lui signifiant de la sorte que ce dossier restait la chasse gardée de son pays. Ce qui a certainement calmé les ardeurs d'Alain Juppé qui s'est contenté de relever la convergence franco-américaine sur le fait que le statu quo ne peut plus durer entre Israël et les Palestiniens. Pourtant, le ministre de Sarkozy venait tout droit du Proche-Orient où il a propagé le dossier français. Ce projet – et les Français ne l'ont pas caché en en faisant sa promotion le 2 juin – se fonde sur les paramètres énoncés en mai par le président américain Barack Obama. À savoir la création de deux Etats sur la base des lignes de juin 1967, modifiées par des échanges agréés par les deux parties. Paris, qui aimerait organiser sa conférence internationale avant la fin juillet, n'a jusqu'à présent suscité l'adhésion que du président palestinien Mahmoud Abbas. Le président de l'Autorité palestinienne doit cependant obtenir l'accord de Hamas avec lequel il s'est réconcilié mais dont la position à l'égard d'Israël n'a pas changé. Hamas juge “absurde” l'idée de négocier avec Israël, soulignant la volonté des Israéliens de poursuivre leur politique anti-palestinienne et de provocation de la communauté internationale. Et puis, dans la région, seul le Qatar pourrait accorder de l'attention à l'initiative de Sarkozy. Le Qatar a passé des accords de défense avec la France et lui a fourni une grande partie de son matériel militaire, notamment des mirages 2000, les grandes entreprises françaises y sont évidemment très présentes et ce micro-Etat fait ses emplettes en France Sa dernière acquisition le prestigieux club de foot parisien, le PSG. Nicolas Sarkozy a tissé des liens étroits avec l'émir Hamad bin Khalifa Al-Thani quand il était ministre de l'Intérieur et faisait former les forces de l'ordre qataries. Côté israélien, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a fait savoir au ministre des AE de Sarkozy, sans plus de détails, qu'il “soupesait” l'offre française. Autant dire qu'il la rejette, comme il a réfuté dans la forme et dans le fond, les propositions d'Obama quant au contour du futur Etat de Palestine. Le président américain s'est par ailleurs couché chaque fois qu'Israël hausse le ton. Ne menace-t-il pas les Palestiniens pour qu'ils abandonnent leur intention de demander l'adhésion de leur Etat à l'ONU sur les lignes de 1967 (Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza), à sa prochaine assemblée générale ? Hillary Clinton, lors du point de presse avec Juppé a rappelé la position de son pays : pas de conférence multilatérale mais retour aux négociations bilatérales entre Israéliens et Palestiniens. La secrétaire d'Etat qui avait reçu lundi et successivement Saëb Erakat, le négociateur palestinien, puis l'émissaire israélien Yitzhak Molcho, a même ajouté que cette reprise n'était pas pour demain… tant les deux partie sont éloignées et, en l'absence d'assurance concernant leur volonté de reprendre le dialogue. Pour Saëb Erakat, le problème ce ne sont pas les Etats-Unis mais Netanyahu qui refuse la solution à deux Etats. Pour Israël, la question, la même depuis 1967, est comment transformer son occupation après la guerre de cette année-là, que le monde considère comme une situation temporaire, en un fait politique définitif, reconnu par la communauté internationale. Comment conserver ses principales colonies en Cisjordanie, Jérusalem et le contrôle sur la sécurité dans les territoires palestiniens. Pour les Etats-Unis, et pour reprendre l'ouvrage explicite de Noam Chomsky, (Israël - Palestine - Etats-Unis : le triangle fatidique, 2006), il s'agit de garder la main sur ce triangle fatidique pour conserver le rôle de distributeurs de cartes dans la région et par cercles concentriques dans le monde. Pour se faire, et Obama l'a même appris à ses dépens à moins qu'il ne consente volontairement à ce jeu cynique, les Etats-Unis restent les alliés stratégiques d'Israël dans l'adoption de ses postures refusardes qui se sont et s'opposent à la paix. Quant aux Palestiniens, livrés à eux-mêmes et abandonnés par leurs pairs arabes, n'ont d'alternative que d'exiger l'application du droit et des résolutions de l'ONU : un Etat palestinien souverain sur les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale. L'inéquation est la même depuis 1967. Sarkozy qui pensait rebondir avec ce dossier en prévision de sa réélection en 2012, doit se trouver un autre chantier. Et ce n'est pas la première fois qu'Obama lui met des bâtons dans les roues. Le président américain lui a ravi la vedette au sommet du G8 de Deauville (station balnéaire française) en paraissant comme le maître de jeu dans le printemps arabe, une mission que la France avait cru pouvoir enlever car relevant de son champ !