Lâché par son dernier petit carré de soutien, Kadhafi qui vient de réaffirmer qu'il ne lâchera pas son fauteuil, joue la justice. Aïcha, sa fille, a porté plainte devant la justice belge pour “crimes de guerre” contre l'OTAN. “La décision de l'OTAN de prendre pour cible une habitation civile à Tripoli constitue un crime de guerre”, a déclaré l'un de ses avocats, le Français Luc Brossollet, peu après avoir déposé la plainte au nom d'Aïcha, au parquet de Bruxelles et au parquet fédéral belge. La plainte concerne le raid de l'Alliance atlantique du 30 avril au cours duquel le plus jeune fils Seïf al-Arab et trois des petits-enfants du dirigeant libyen, Seif (2 ans), Carthage (2 ans) et Mastoura (4 mois), fille de Aïcha, ainsi que des amis et des voisins, ont été tués. Pour les avocats de la plaignante, si la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU autorise l'OTAN à agir militairement pour protéger les populations libyennes, même en cas de guerre, il ne faut pas s'en prendre aux civils, en vertu de la Convention de Genève. L'épouse de Kadhafi, avait, au lendemain de ce bombardement, dénoncé avec vigueur l'intention des forces atlantiques de tuer sa famille en bombardant avec préméditation leur résidence qui n'était ni un poste de commandement ni un poste de contrôle militaire du pouvoir libyen. Il est vrai que l'OTAN n'a pas cru opportun de présenter ses excuses, confortant la thèse que ce n'était pas un dommage collatéral ni une bavure. Les avocats belges considèrent que ce raid est un acte délibéré constituant un crime de guerre. Pour eux, la justice belge est compétente, dès lors que le siège de l'OTAN est à Bruxelles. En plus, les juridictions belges sont qualifiées pour ce genre de procès, en vertu de la loi belge dite de “compétence universelle”. Les tribunaux du royaume peuvent poursuivre les auteurs présumés de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide s'il existe un “lien de rattachement” avec la Belgique. Ce qui serait le cas aux yeux des avocats de Aïcha puisque les décisions importantes de l'OTAN sont prises à Bruxelles. La balle est dans le camp du parquet saisi qui doit décider s'il y a suffisamment d'éléments pour entamer la procédure, entendre notamment des responsables de l'OTAN. Les Kadhafi ont également mandaté leurs avocats pour introduire un recours en annulation devant la Cour de justice européenne à Luxembourg afin de faire casser la décision des ministres de l'UE de geler leurs avoirs. Ce recours devrait être introduit aujourd'hui ou demain. À ce propos, il est à souligner qu'il y a, depuis la crise libyenne, comme une course pour les avoirs libyens que les Occidentaux confondent avec la fortune des Kadhafi estimée approximativement à 120 milliards de dollars. Cela correspondrait au tiers disparu des 450 milliards de dollars de revenus issus du pétrole et du gaz exportés par la Libye entre les années 1980 et l'insurrection de mars. Selon le FMI, la Banque centrale libyenne, contrôlée par Kadhafi, possède 143,8 tonnes de lingots, soit 6,5 milliards de dollars. Sans compter les revenus des investissements en Afrique subsaharienne via la Libya Arab African Investment Company (Laaico) ou la Libya Oil Holding, présente dans 21 pays africains. Reste que les Occidentaux qui ont fait main basse sur l'argent libyen entretiennent le flou entre les investissements de la Jamahiriya et les avoirs des Kadhafi. Et la course aux dollars cachés se poursuit. Depuis le début de la crise libyenne, l'Union européenne a gelé des milliards d'euros d'avoirs libyens : entre 6 et 7 en Italie, plus d'un milliard en Suède, plusieurs milliards en Allemagne, en Grande Bretagne et en France. L'apparition d'Aïcha Kadhafi a également démenti la rumeur concernant son exil en Algérie, corroborant le démenti fait par le porte-parole des AE algériennes. Le ministre délégué, Abdelkader Messahel, avait indiqué, lors d'une conférence de presse tenue le 1er juin, que l'Algérie appliquait la résolution du Conseil de sécurité en ce qui concerne l'embargo sur les armes tout en participant à la recherche d'une issue pacifique à la crise chez son voisin avec les parties libyennes, en conformité avec les efforts de l'Union africaine. L'Algérie vient également de geler les avoirs libyens. Et s'apprête à présenter un rapport au comité des sanctions du Conseil de sécurité le 26 juin. Le pays continue cependant à approvisionner la Libye en produits alimentaires et médicaments, suite à la requête libyenne et après avoir informé l'ONU début mai. Les autorités algériennes ont même invité le Comité des sanctions à désigner, s'il le souhaite, un représentant du système des Nations unies pour superviser l'opération au niveau du poste douanier de Debdeb qui sera le seul point de livraison pour les éventuels accords commerciaux qui viendraient à être signés dans le cadre de la mise en œuvre de cette opération.