En visite à Moscou pour officiellement prendre part au forum économique de Saint-Pétersbourg, où devait être signé un important contrat gazier entre les deux pays, les présidents Hu Jintao et Dmitri Medvedev ont surtout évoqué les révoltes arabes pour serrer leurs rangs. D'abord, les affaires économiques. Les ennemis du siècle communiste ont pris conscience à la faveur des contradictions et dérives de la mondialisation, qu'ils avaient intérêt à travailler également ensemble. Gazprom souhaite conclure un accord avec la compagnie chinoise CNPC (70 milliards de mètres cubes de gaz par an). Le géant du gaz russe a dû négocier dur car la Chine s'était assurée ces dernières années plusieurs sources d'approvisionnement en Asie centrale (65 milliards de mètres cubes à un très bon prix). Mais la Chine cherche toujours à diversifier ses sources d'approvisionnement. La Chine, le plus gros consommateur d'énergie au monde, ne veut dépendre de personne, ni des Etats-Unis, ni de l'Europe, ni de la Russie. La Russie, également jalouse de sa souveraineté, veut diversifier ses exportations gazières, qui sont essentiellement tournées vers l'Europe, d'où ses nouveaux gazoducs vers l'est. Au-delà de cet intérêt commun pour les ressources énergétiques, Moscou et Pékin convergent pleinement aujourd'hui pour avoir les meilleures relations possibles, ce qui se traduit par une proximité de vues sur les grandes questions internationales. Tous deux membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, Moscou et Pékin disent regretter de ne pas avoir opposé leur veto à une intervention de l'OTAN en Libye, ils appellent aujourd'hui à un cessez-le-feu rapide et à un règlement de la crise libyenne par des moyens pacifiques et diplomatiques. Pékin comme Moscou sont fermement opposés à l'adoption d'une résolution contre le régime syrien. Ils ont d'ailleurs boycotté la réunion d'experts du Conseil de sécurité sur la question le week-end dernier. Et comme pour mieux renforcer le rapprochement initié par les deux voisins depuis la fin de l'Union soviétique il y a 20 ans, le printemps arabe est venu brutalement les unir davantage non pas pour encourager la disparition des dictatures de la scène arabe mais plutôt pour se prémunir contre la propagation des révoltes démocratiques dans leur pays respectifs. Alors, Medvedev et Jintao ont mis de côté leur méfiance mutuelle et quelques tensions qu'ils nourrissaient l'un à l'égard de l'autre, notamment au sujet de migrations illégales entre les deux côtés de leurs frontières, de commerces illicites et de leur rivalité en Asie, terrain de chasse du Kremlin qui se voyait concurrencer par les Chinois pour jouer le rôle de nouveau leader dans la région. Les deux dirigeants savent que leur voisinage asiatique n'étant pas stabilisé, est toujours sous menace : hier islamiste, aujourd'hui démocratique. Et de surcroît, cette épidémie des révoltes arabes risque de se propager également à l'intérieur de leurs propres pays. La question a été évoquée sûrement à Moscou par Hu Jintao et Dmitri Medvedev, d'autant qu'en Chine un mouvement identique, parti de la Toile, semble gonfler. Voitures renversées et incendiées, violentes charges de police, des habitants de la région de Canton, métropole du sud de la Chine, ont raconté la fin de la semaine dernière des scènes d'émeutes ressemblant à celles en cours dans les pays arabes, qui se sont produites plusieurs jours et ont été réprimées par les forces de l'ordre. Le feu a été mis par un couple de vendeurs informels, comme en Tunisie, lieu de naissance des révoltes démocratiques arabes. Altercation, répression policière et émeutes… Juste avant, des révoltes populaires se sont produites en Mongolie intérieure, avec des manifestations sans précédent de Mongols contre la surexploitation de leurs ressources minières ou la marginalisation de leur culture.