Les professions de foi du ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, pour une meilleure maîtrise de l'urbanisation et un plus grand respect des règles y afférent, sont nombreuses. Elles sont, néanmoins, pour la plupart, en décalage avec la réalité du terrain. La salle de conférences du Palais des nations s'est avérée trop exiguë pour accueillir l'ensemble des participants aux 1res Assises nationales de l'urbanisme. Quelque 1 200 acteurs du secteur, mais aussi administratifs, ont accepté l'invitation du département de Nourredine Moussa pour l'élaboration d'une charte de l'urbanisme en Algérie. Le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme a reconnu, dans son discours inaugural puis lors d'une conférence de presse qu'il a animée à la pause café, que les villes algériennes, dans leur majorité, ont été construites ou étendues dans le non-respect des règles fondamentales de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire. Il a attribué ce phénomène à la conjoncture ayant prévalu dans les années 1990. “L'urbanisation rapide, générée par les circonstances historiques et sociales, s'est soldée par un cadre bâti hétéroclite, hégémonique et non conforme aux règles d'urbanisme”. Il a précisé qu'un grand nombre des Pdau (Plan directeur d'aménagement et d'urbanisme) ont été établis du temps des DEC. “Ils ont été faits par des administrateurs. Nous voulons revenir à la normalité”, a affirmé le ministre. La révision des Pdau, en cours, devra s'étaler jusqu'à 2014, pour notamment optimiser l'utilisation du foncier, qui se fait de plus en plus rare dans les grandes agglomérations. Le ministre n'a pas nié le fait que le contrôle de l'urbanisme constitue le point faible du secteur. Actuellement, 1 200 agents sont habilités à constater sur le terrain les infractions. “C'est peut-être insuffisant. Nous sommes en train de mettre en place les outils de contrôle, dont l'inspection de l'urbanisme”, a soutenu M. Moussa. Il a parlé aussi du déficit en diplômés des écoles d'architecture et d'urbanisme, dont le nombre se situe autour des 10 000. “Nous n'avons pas évoqué le problème des professionnels de l'acte de bâtir sous l'angle de la difficulté à réaliser nos programmes”, a-t-il corrigé. D'autant que le pays est entré, a-t-il précisé, dans une période de rattrapage des programmes de logements. “Les Chinois sont compétitifs dans le segment de l'habitat. Nous continuerons à faire appel à eux pour réaliser nos projets”, a déclaré le membre du gouvernement. Pour concrétiser les ambitions des pouvoirs publics de construire 2 millions de logements à horizon 2014 et de doter la cité urbaine des équipements et services, il faudra transcender d'abord la contrainte de la rareté des sites urbanisables, particulièrement à Alger. Ce problème est né, selon Tewfik Guerroudj, architecte urbaniste, d'une volonté occulte “de laisser le marché réguler le foncier”. La mauvaise qualité du cadre bâti, qui rend nos villes hideuses, trouve son origine, de son avis, dans la faiblesse des dépenses consenties à l'étude d'ingénieur. “En urbanisme, consacrer 3 DA le m2 à l'étude du POS (Plan d'occupation au sol, ndlr) est l'équivalent de l'achat d'une voiture de casse. Il n'y a pas lieu de s'étonner ensuite qu'elle n'offre pas les prestations d'une voiture neuve”. Enfin, selon cet architecte, la principale cause de décalage entre les plans d'urbanisme et leur application, résulte “du choix, fait en 1990 sous la pression de la Banque mondiale et le FMI, de séparer radicalement l'urbanisme réglementaire et le foncier”. Les interventions ont focalisé sur la nécessité de prendre ou reprendre en main l'urbanisme dans sa dimension pratique. Il s'avère, néanmoins, illusoire de rattraper des erreurs qui s'accumulent depuis des dizaines d'années, et surtout de bannir des pratiques de passe-droit et de complaisance, notamment dans la délivrance des permis de construire. Pour paraphraser le président du Collège national des experts architectes, le problème n'est pas dans les lois — l'Algérie dispose d'un florilège de textes en la matière — mais dans leur application.