Photo : Slimene S.A. Au lendemain de l'indépendance, la population en Algérie se limitait à 9 millions habitants. Aujourd'hui, elle est de 34 millions. Alors que le parc immobilier est passé de 1.900.000 logements à plus de six millions. En 1966, le territoire national comptait 94 agglomérations dites urbaines. Aujourd'hui, il en compte un millier. La densité urbaine est de 3500 habitants par m2. C'est dire l'importance du taux d'urbanisation qui a dépassé toutes les prévisions. Selon les dernières statistiques, l'urbanisation du pays est à 65%. Elle s'effectue encore au détriment des zones rurales. Une croissance, certes, liée au développement socioéconomique, mais ne cesse d'agresser l'environnement immédiat, d'autant plus que plusieurs régions du pays, enregistrant les plus importantes concentrations humaines, sont vulnérables, exposées aux risques majeurs (séisme, inondation, glissements de terrain …). Il y a des décalages et des dérives liés à la gestion. Certains experts jugent le moment venu pour revoir la politique nationale d'urbanisation. D'autres estiment qu'il faut élaborer des politiques, basées sur l'équité et la durabilité. L'expert en risques majeurs et consultant, le Pr Chelghoum, l'a réitéré hier au forum d'El Moudjahid, lors d'une conférence-débat sur les défis posés par l'expansion urbaine, en matière d'aménagement, de santé, de transport et de protection de l'environnement, regroupant des responsables des ministères, de l'habitat, des travaux publics, des ressources en eau, de l'environnement aux côtés du président de l'Ordre des architectes M. Abdelhamid Boudaoud et de M. Boubekeur, secrétaire du Club des risques majeurs. Les bilans succincts des réalisations présentés par les représentants des différents départements en matière de logements, d'approvisionnement en eau potable et assainissement, en infrastructures des bases….sont, certes, éloquents, mais de l'avis des experts, il est impératif d'arrêter cette urbanisation et faire le point. «Si on maintient cette expansion, on risque d'être bloqué», a averti M. Chelghoum estimant que «faute d'avoir un vrai plan d'urbanisation, l'expansion urbaine en Algérie a été faite sur la base de greffes successives par rapport aux centres urbains existants. Il rappelle, à l'occasion, que l'Algérie est un pays «problématique agressé par dix risques majeurs» . D'où la nécessité de rompre avec l'urbanisation effrénée, surtout dans la partie nord du pays, le littoral surtout où est concentrée 50% de l'activité industrielle. «Le littoral est agressé», a-t-il reconnu. Selon certains intervenants, il faut aller ailleurs, les grandes villes étant saturées. Ils imputent cette situation au non-respect de la loi et des normes de construction. Selon M. Nait Saâda, inspecteur général au ministère de l'Habitat, l'urbanisme est l'applicabilité de la législation et de la réglementation. Les collectivités locales, allusion faite aux élus locaux, sont les premiers responsables de la situation de nos villes et communes. C'est aussi l'avis du président de l'Ordre des architectes, M. Boudaoud. «Pas moins de 12.000 POS (plan d'occupation du sol) ont été approuvés. C'est un problème épineux sachant que nos villes sont déjà asphyxiées», a-t-il regretté. Selon cet expert, les pouvoirs publics investissent sur tout, sauf sur la ressource humaine. Il affirme que si la loi n'est pas appliquée, c'est que les collectivités locales manquent de gouvernance et de maturité des projets. Les experts en risques majeurs déclarent avoir tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises. Mais rien n'a été fait. M. Chelghoum estime que l'aléa est présent. La loi aussi, mais son application fait vraiment défaut. «Il faut faire le diagnostic du vieux bâti, dans toutes les villes du pays», a-t-il proposé, rappelant qu'il existe aujourd'hui une méthode efficace «au laser» pour le confortement et la réparation des ouvrages d'art pour éviter l'effondrement. Les moyens humains aussi. Les universités forment chaque année 400 ingénieurs. Les experts en risques majeurs ont également proposé l'élaboration d'un code national de réparation et d'auscultation à l'image du code californien. «C'est la seule solution pour éviter l'irréparable», ont souligné les experts, en attendant la tenue dans les jours à venir des assises nationales de l'urbanisme. Un espace qui regroupera les acteurs de différents départements, pour faire l'état des lieux en la matière. L'objectif étant l'élaboration d'un code de l'urbanisme. Loin d'être une compilation de texte, ce code se basera sur une approche technique et méthodique.