La rencontre avec les journalistes a duré moins de 30 mn. M. Chevènement a évoqué le réchauffement des relations bilatérales avec ce petit point sur l'histoire en préférant parler de “conscience” plutôt que de “repentance”. “L'avenir est plus long que le passé”, a-t-il estimé. Peut-on définir une frontière entre une visite officielle et une visite informelle ? Bien qu'il n'ait aucun rang dans le gouvernement français, Jean-Pierre Chevènement, sénateur et président de l'Association France-Algérie (AFA), a eu droit à un accueil et un protocole dignes d'un officiel. Véhicule de la présidence de la République, il est reçu par Abdelaziz Belkhadem, SG du FLN, et néanmoins représentant personnel de Bouteflika, Chérif Rahmani, ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire, et Mohamed Seghir Babès, président du Cnes. D'autres audiences sont prévues aujourd'hui et demain dont l'une avec le Premier ministre, Ahmed Ouyahia. Pour une visite de 5 jours, le calendrier est très chargé. Les relations algéro-françaises le sont aussi. Ainsi après Raffarin et Juppé, Jean-Pierre Chevènement est en visite à Alger. Après son déplacement de septembre dernier où il avait été reçu par le chef de l'état lors d'une entrevue qui aura duré plus de 4 heures, Jean-Pierre Chevènement revient en Algérie dans un climat plus détendu caractérisé par un réchauffement des relations algéro-françaises. L'ancien ministre de la Défense française, qui a démissionné en 1991 pour ne pas cautionner le massacre du peuple irakien dans une guerre qu'il considérait “disproportionnée”, est toujours partisan d'une politique arabe plus équilibrée de la France. Lors de sa conférence de presse animée hier au sein de la villa Clarac à El- Mouradia en présence de responsables de l'ambassade de France en Algérie, le président de l'AFA est d'abord revenu sur les objectifs de sa visite. Anciens, actuels et futurs membres du gouvernement “Mon souci et de multiplier les contacts avec la société algérienne du monde de la culture, de l'économie, de la politique des membres du gouvernement actuel des anciens et même des futurs membres de l'Exécutif, en fait il s'agit d'élargir les horizons le plus possible”, a déclaré M. Chevènement avant d'aborder les relations bilatérales. “Je me réjouis beaucoup du réchauffement qui se produit entre l'Algérie et la France, il y a eu quelques incidents de parcours. Il faut regarder vers l'avenir avec optimisme, il n'y a pas de crise entre Paris et Alger et pour ma part, à chaque fois que je viens, je contribue à l'amélioration des relations entre les deux pays”, a-t-il encore souligné. Qualifié de “véritable ami de l'Algérie”, M. Chevènement est également considéré comme un membre actif des réseaux d'amitié algéro-français dont le rôle n'est pas négligeable dans les relations bilatérales. “L'association est un réservoir de bons militants qui visent à développer la coopération et l'amitié et cet objectif on doit continuer à le promouvoir”, un but qu'il s'est d'ailleurs fixé au lendemain de la nomination à la tête de cette structure. Sur tous les dossiers privilégiant les échanges de vue “approfondis” et les démarches “constructives” entre l'Algérie et la France, l'association “est là pour faire avancer les choses, la relation spontanée entre Français et Algériens donne à nos liens économiques leur force, leur facilité, par la proximité des décideurs”, a-t-il dit. “Conscience” plutôt que “repentance” En annonçant la tenue d'un colloque Algérie-France à la fin 2011, M. Chevènement veut maintenir le cap surtout que beaucoup de dossiers sont en phase de règlement aujourd'hui. Reste la question liée à l'histoire et qui a constitué l'un des points d'achoppement entre Alger et Paris durant ces dernières années, le responsable de l'AFA a eu une approche différente de celle du président Sarkozy. Ainsi répondant à une question sur le refus de la France de présenter des excuses officielles au peuple algérien pour les crimes commis durant les 132 ans de colonisation, M. Chevènement opposera le mot “conscience” à “repentance”. “La repentance est une suggestion imprégnée d'esprit chrétien. Du point de vue de la République française qui est une république laïque, je préfère le travail de la conscience”, a déclaré le sénateur du Territoire de Belfort. “Je pense que la France doit être consciente de ce qui s'est passé entre nous”, mais a-t-il estimé aussi, “nous avons tous à faire un travail de conscience, le colonialisme, je l'ai déjà dit, est inacceptable. Il faut se tourner vers l'avenir, nous avons beaucoup de choses à faire ensemble, l'avenir est plus long que le passé”, dira-t-il, avant de réaffirmer la détermination de l'AFA de “continuer à organiser le contact entre algériens et français”. Chevènement rencontre Réda Malek, Saïd Sadi et Mouloud Hamrouche Abordant la situation interne de l'Algérie et tout en évitant de s'y ingérer, M. Chevènement a fait état des entretiens qu'il a déjà eus avec des personnalités de l'opposition. S'il a évité de donner des détails sur sa rencontre avec Réda Malek, ancien Chef du gouvernement qu'il qualifie de “vieil ami”, M. Chevènement a, en revanche, évoqué brièvement la teneur de ses discussions avec le président du RCD, le Dr Saïd Sadi et l'ancien Chef du gouvernement, Mouloud Hamrouche. “Saïd Sadi est moins optimiste actuellement, je le connais depuis longtemps, il était plus optimiste qu'il ne l'est maintenant à propos du processus de réformes politiques en cours. Quant à M. Hamrouche, il tend plutôt pour le 50/50”, a-t-il révélé. “Je m'intéresse à tout ce qui se passe en Algérie et nous sentons que les choses commencent à bouger mais je pense aussi qu'il est naturellement souhaitable que les peuples aspirent à une démocratie qui les fasse participer à la prise de décision”, a-t-il estimé, avant d'évoquer la fameuse UPM qu'il considère être à “la fois anticipatrice et prématurée”. “Je suis aujourd'hui partisan d'une Europe qui se tourne plutôt vers le Sud que vers l'Est car le mouvement démocratique arabe ne peut que nous réjouir”, a-t-il conclu. Cette visite, qui s'achèvera demain, aura-t-elle un impact positif sur l'avenir proche des relations entre les deux pays. M. Chevènement y croit. Il l'a dit en tant que président de l'AFA et il a souhaité comme le ferait tout responsable politique dans un habit officiel. Les relations algéro-françaises dépassent le cadre institutionnel. Du côté français, il semble qu'on ne ménage aucun effort dans le cadre des réseaux d'amitié. Mais qu'en est-il du côté algérien ? Depuis la disparition de Larbi Belkheir qu'on qualifié de “M. bons offices”, les relations algéro-françaises demeurent orphelines d'un personnage de la trempe du “Cardinal” malgré quelques tentatives timides qui n'arrivent pas à décoincer la machine des réseaux.