La Banque mondiale et l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Onudc) ont publié, hier, une étude sur les dispositifs à mettre en place par les pays pour récupérer les fonds détournés. Pour ces deux institutions mondiales, les récents soulèvements populaires dans des pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord ont été une raison de plus pour soulever la question de la capacité des centres financiers à arrêter le flux des ressources financières générées par la corruption et le blanchiment d'argent. Intitulée “Les obstacles au recouvrement des avoirs”, cette étude de plus de 200 pages conseille les décideurs politiques sur les réformes à engager pour permettre la récupération des biens détournés. Selon les chiffres de l'étude, les pays en développement perdent annuellement entre 20 et 40 milliards de dollars, soit entre 15 et 30% de l'aide publique au développement, à travers la corruption et les détournements de fonds. Au cours des 15 dernières années, seulement 5 milliards de dollars ont été récupérés. La BM et l'Onudc préconisent plusieurs actions et autres recommandations pour les décideurs, les législateurs et les professionnels chargés de la lutte contre la délinquance financière. Elles portent notamment sur la mise en œuvre de nouvelles politiques et procédures opérationnelles, l'introduction de réformes législatives visant à faciliter le gel et la confiscation des avoirs volés, et une meilleure mise en œuvre des mesures existantes de lutte contre le blanchiment d'argent. Soulignant qu'il s'agit d'un “processus complexe”, l'étude soutient que le recouvrement des avoirs détournés dépend également de la célérité dans la coopération internationale et implique souvent “l'échange d'informations sensibles”. Elle exige, également, des professionnels de la lutte contre ce fléau de se familiariser avec les outils juridiques et les procédures, aussi bien de leur propre pays que ceux des pays partenaires. Pour le spécialiste principal du secteur financier et auteur principal de cette étude à la Banque mondiale, M. Kevin Stephenson, “il y a de nombreux obstacles au recouvrement des avoirs. Non seulement c'est un processus juridique spécifique plein de délais et d'incertitudes, mais il y a aussi les barrières linguistiques et un manque de confiance lorsque l'on travaille avec d'autres pays”. “Dans les juridictions qui ne font pas de la lutte contre ces délits une priorité, les professionnels ne peuvent donc pas développer l'expertise nécessaire.” Pour l'élaboration de cette étude, les auteurs ont consulté plus de 50 professionnels de lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent à travers plusieurs pays, qui ont donné des informations basées sur leur expérience pratique. “Cette étude est un puissant outil pour aider les décideurs à concevoir une stratégie globale pour le recouvrement des avoirs volés et mettre en œuvre les réformes nécessaires”, a déclaré Jean Pesme, directeur des finances de la Banque mondiale pour le programme d'intégrité du marché. Elle permet, également, d'aider les professionnels en s'initiant à “une utilisation plus efficace des outils existants de recouvrement des avoirs détournés”, selon cet expert.