Le centre de presse d'El Moudjahid était plein comme un œuf hier et les retardataires n'avaient même pas droit à un strapontin. Le quotidien, qui fêtait son 55e anniversaire, a drainé la grande foule. Membres fondateurs, anciens de la lutte armée, représentants de la classe politique, avocats et juristes étaient présents à l'appel. Après un laïus de rappel de la directrice, Naâma Abbas, sur le long parcours du journal assuré par des professionnels, le ministre de la Communication, Nacer Mehal, rend un vibrant hommage aux pionniers de la presse algérienne, soulignant la mission essentielle qui incombe à ce quotidien, à savoir le service public. Cependant, à tout seigneur tout honneur, ce sont les fondateurs de ce journal, cher à tous les Algériens, qui ont refait son parcours. Pour le professeur Pierre Chaulet, qui a vécu la première phase du journal durant sa clandestinité (de juin 1956 à janvier 1957), tous les chefs historiques y ont collaboré. Il se rappelle, entre autres histoires, quand le premier directeur du journal, Abdelmalek Temam, lui demande, à l'occasion de la découverte du premier gisement de pétrole dans le Sud, d'écrire un article sur le Sahara. Comme il se souvient de la publication par le journal du compte-rendu du Congrès de la Soummam et qu'il fallait assurer la diffusion du journal en Kabylie, ou encore sa rencontre pour la première fois avec Abane Ramdane et Larbi Ben M'hidi pour préparer le texte de ce même congrès. “Malheureusement, le journal n'a pas paru”, s'est désolé le Pr Chaulet. Mémoire vivante de la Révolution de novembre 1954, Réda Malek a fait noter que “notre rôle est de témoigner des faits et conditions dans lesquelles nous avons travaillé pour faire publier ce journal dans les deux langues, française et arabe. Et même si cette dernière que dirigeait El-Mili prenait un peu plus d'indépendance, la ligne étant la même”. Pour l'édition française, l'ancien Chef du gouvernement a tenu à rendre hommage à Pierre Chaulet pour avoir pris la responsabilité de suivre la ligne du journal jusqu'après l'Indépendance. Le même hommage est rendu à l'occasion à Frantz Fanon pour son engagement envers la Révolution. Réda Malek rappelle que l'équipe chargée de la publication du journal avait la liberté totale accordée par les Boussouf, Krim et Abane, mais jamais aucune incartade n'a été commise quant au respect des principes. Abordant le contenu de ce journal, il dira qu'à l'époque, la rédaction se faisait dans un style simple, sans fioritures. “Nous combattons le colonialisme et non le peuple français. Beaucoup nous ont aidés durant notre lutte armée et nous en sommes reconnaissants. La Révolution algérienne respecte l'opinion publique internationale, et c'est pour cela qu'elle a réussi”, a conclu M. Malek.