Des milliers de personnes, venues des quatre coins de la région, mais surtout d'Azazga et de Mekla, ont pris part, hier matin, à la “marche d'indignation et de dénonciation” à laquelle ont appelé les membres de la Coordination des comités de village, ainsi que la cellule de crise installée au lendemain de ce triste événement, dans la ville d'Azazga, à 35 km de Tizi Ouzou. La marche avait pour objectif d'exprimer la profonde colère de la population et son indignation suite à la bavure militaire qui a coûté, dans l'après-midi de jeudi passé, la vie à Mustapha Dial, un manœuvre âgé de 42 ans, originaire de la commune de Souamaâ. La marche s'est ébranlée, peu après 10h, de la gare routière d'Azazga, d'où la grande marée humaine, après avoir sillonné les ruelles de la ville, s'est dirigée vers le siège de l'APC, situé dans le centre-ville, en empruntant le boulevard Ahmed-Zaïdat. Une grande colère était visible sur le visage des marcheurs qui scandaient, tout le long du boulevard, à tue-tête, des slogans en hommage à Mustapha, victime de la bavure militaire : “Assa azekka Mustapha yella yella”, et beaucoup d'autres slogans hostiles au pouvoir tels que “Pouvoir assassin”, “Bouteflika Ouyahia houkouma irhabiya”… Les manifestants brandissaient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : “à qui le tour ?”, ou encore “Jugez les assassins”, comme pour demander que toute la lumière soit faite sur ce qui s'est passé. Pendant ce temps, beaucoup de commerces de la ville ont baissé rideau en signe d'adhésion aux mots d'ordre de la grève. C'est, pour rappel, le troisième jour consécutif, depuis jeudi, que les commerçants de la ville d'Azazga ferment pour exprimer, aux côtés de la population, leur consternation suite à ce que les comités de village ont qualifié, dans une déclaration rendue publique vendredi dernier, de “descente punitive qui a ciblé des civils désarmés”. Arrivés devant le siège de l'APC, situé au centre-ville d'Azazga, les manifestants ont observé une halte durant laquelle une prise de parole a été improvisée par des élus locaux, ainsi que des membres des deux comités de village d'Azazga et de Souamaâ. La parole a été également donnée à l'un des frères du défunt, qui a tenu à remercier la population des deux régions, Azazga et Souamaâ, pour leur soutien et leur mobilisation. Les manifestants se sont dirigés ensuite vers la sortie est de la ville, sur la route de Yakourène, pour se rendre sur le lieu exact où la victime a été tuée jeudi passé, à une distance de près de 3 kilomètres, juste à proximité de l'hôpital Maghnem-Lounès d'Azazga. Une minute de silence a été observée dans un moment de grande émotion et de deuil à la mémoire de la victime et une gerbe de fleurs a été déposée sur le lieu même où Mustapha Dial a rendu, devant les yeux terrifiés de nombreuses personnes, son dernier souffle, après avoir été blessé auparavant à l'intérieur de la villa du très estimé ancien officier de l'ALN, dit le capitaine Rouget. Notons que la manifestation s'est dispersée dans le calme et qu'aucun incident n'a été enregistré. Ce qui n'étonne guère, à vrai dire, tant depuis le drame, de jeudi dernier, les représentants des comités de village n'ont pas cessé d'appeler à la vigilance et, surtout, à ne pas tomber dans le jeu de ceux qui n'ont d'autres objectifs que de mettre le feu aux poudres en Kabylie et reproduire ainsi un autre Printemps noir qui ne fera qu'engendrer de nouvelles victimes. C'était justement à l'effet d'éviter un tel scénario que les autorités de wilaya, représentées par le wali, Abdelkader Bouazghi, et les responsables des services de sécurité se sont rendus au lendemain de ces tragiques évènements, soit vendredi dernier, à Azazga où ils ont tenu une réunion avec la Coordination des comités de village en présence des membres des familles des deux victimes. Aussitôt, faut-il le rappeler, le représentant du gouvernement a reconnu que des “dépassements” ont été commis par les militaires mais qu'une enquête sera ouverte et que les éléments impliqués seront sanctionnés et des réparations seront accordées à la famille de la victime. Des promesses, faut-il encore le rappeler, renouvelées dans un communiqué rendu public par le ministère de la Défense.