Près de 400 opérations d'extractions illicites sont annuellement enregistrées. Sur les 30 wilayas recensées, notamment au niveau du Tell, Jijel, Boumerdès, Tizi Ouzou et Mostaganem détiennent le record du massacre. Que reste-t-il de la nappe phréatique au nord algérien, sinon un décor macabre qu'offrent nos fleuves jonchant le long du littoral. Que risque la majeure partie du Tell si l'extraction du sable, un crime écologique condamnable, n'est pas jugulée à temps ? À qui profite ces centaines de camions de gros tonnage bourrés de graviers et autres dérivés et qui circulent en nocturne pour échapper au contrôle des services de sécurité ? Que prévoit la loi algérienne en matière de lutte contre ce phénomène devenu un “métier” et source de gain facile que même les jeunes ayant bénéficié des crédits de l'Etat investissent au détriment des clauses de contrat signés avec les banques et les institutions en charge de l'éligibilité de leurs dossiers ? Au bord de la fissure, la nappe phréatique est, au quotidien, agressée. Le constat est amer. Pas moins de 350 à 400 opérations d'extraction de sable et dérivés des oueds sont annuellement opérées par la mafia des matériaux de construction, notamment ceux qui font des bidonvilles de véritables chantiers de prédilection. Le Tell souffre tellement que les spécialistes en la matière mettent en garde contre les dangers qui pourraient en découler, notamment les fissures causées par les engins “investis” dans cet axe du mal. Toutes les villes côtières sont, malheureusement, touchées y compris celles des Hauts-Plateaux et des portes du Grand-Sud algérien où la pègre perfore la terre sans se soucier du reste, sinon de la rente que pourraient générer les quelques grains de sable. Dans un rapport établi par les services de la Gendarmerie nationale, et dont Liberté détient une copie, il est fait état d'agressions avérées des oueds, des vallées et même de certains fleuves en voie de dessèchement. Résultats des investigations menées : une surexploitation sans autorisation, des arrestations en série, des saisies en milliers de mètres cubes et des mises en fourrière de dizaines de camions. Généralement, et si on se fie au constat établi, les chauffeurs agissent seuls. Sans compagnons. Ils n'avouent jamais la destination de la marchandise, encore moins la provenance. Ces criminels, par ailleurs, mis en cause dans la constitution de réseaux mafieux dans le trafic de sable, se limitent à défendre leur “gagne-pain” et plaident non coupables, et ce, même si la preuve est établie. La police judiciaire, relevant de la compétence de la GN, est formelle : le vol de sable est à la fois un délit caractérisé et un crime qualifié de fait que le seul acte de forer au point de toucher la nappe phréatique ne peut faire l'objet d'une quelconque résistance. Leurs auteurs, pour la plupart, sont traduits devant les tribunaux et écroués. En 2011, la tendance s'est aggravée pour atteindre son summum. Même ceux qui sont autorisés par les pouvoirs publics vont au-delà du seuil toléré afin d'engranger quelques dinars de plus. Et si les extracteurs, qui opèrent pendant le jour, sont autorisés, il n'en demeure pas moins que certains esprits malveillants louent leurs matériels à ceux qui opèrent durant la nuit. Sans bruit. Quelques brouettes, des pelles et des pioches suffisent pour prendre le relais des bulldozers qui déblayent le terrain avant la tombée de la nuit. Pis encore, ces trafiquants vendent au premier venu le sable et le gravier. Selon la même source, même le sable de nos plages n'échappe pas à ce créneau aussi juteux qui relève des lois spéciales assez répressives. Jijel et Boumerdès, en tête, suivies de Tizi Ouzou et de Mostaganem, ces quatre wilayas, à elles seules, connaissent des ravages en la matière. Skikda, El-Tarf, Annaba, Béjaïa, Batna, Sidi Bel-abbès, Tipasa, Laghouat, Djelfa, Chlef, Aïn Témouchent, Rélizane, Oran, pour ne citer que quelques cas, ce sont 30 wilayas du pays qui sont concernées par ce trafic. Et le prochain chiffre donne froid au dos : près de 4 000 mètres cubes de sable sont annuellement interceptés par les unités de la GN sur les voies routières, y compris sur les routes secondaires et mal éclairées où les camions de gros tonnage peinent à circuler. Il faut noter que, chaque année, entre 400 et 500 personnes sont incarcérées et condamnées pour divers délits et crimes, dont notamment l'extraction illicite de sable, agression de la nappe phréatique, transport sans autorisation et commercialisation illégale de matériaux. Pour le moment, on assiste impuissamment à une fissure fatale de la nappe phréatique, conséquence directe du pillage des domaines publics. Jusqu'à quand ?