Il y avait foule, dimanche après-midi, à la Cinémathèque algérienne. La raison ? La projection de courts-métrages, dans le cadre de la 2e édition des Journées cinématographiques d'Alger. Sept courts-métrages algériens ont été présentés. Six films, six sensibilités, six questionnements, six visions de l'Algérie d'aujourd'hui. Un grand territoire qui n'a pas réglé tous ses problèmes avec le passé, qui essaie –tant bien que mal- à se projeter dans l'avenir et la modernité, mais dont les individualités peinent à trouver leurs voies, et à faire entendre leurs voix. Le premier film projeté dans ce cadre est “Kwider” de Halim Mekhancha. Une fable qui s'intéresse au petit garnement Kwider, qui devra faire preuve de courage et d'esprit pour prouver qu'il est devenu un homme. Le regard naïf et touchant du réalisateur contraste avec les reliefs de la région qu'il filme : montagneuse, rugueuse et froide. “Kwider” n'a d'autre prétention que le fait de raconter une histoire, et sa réflexion ne tient peut-être pas en haleine, mais tient la route. Omar Zamoum s'intéresse au thème de la tolérance dans son court-métrage, “la Corde”. Un couple de Français, venu passer des vacances en Algérie, tombe en panne d'essence sur la route de Ksar El-Boukhari. Dans ce lieu désert, où il n'y a pas âme qui vive, un couple d'Algériens, pieux musulman, les aide. À la faveur de cette rencontre improbable, les quatre protagonistes apprennent à se connaître, pour que se dessine à la fin une moralité : “les apparences sont trompeuses”, et pour ce cas précisément, la foi et la croyance religieuse n'a pas toujours un lien avec la violence. Après la projection de ces deux films, qui ne volent pas très haut du point de vue de la réflexion et du fond, même si l'idée d'Omar Zamoum est originale, place à la projection des quatre courts-métrages, produit dans le cadre du projet “Alger demain” (qui a consisté en un concours de scénario dans une première phase, puis la réalisation de ces courts-métrages par les scénaristes eux-mêmes et avec l'aide l'équipe de production, initiatrice de cet ambitieux projet, Thala Films). Outre l'éclatement des thématiques, l'originalité des idées et la qualité de l'image, les quatre films présentent une vision contemporaine, nouvelle et moderne de l'Algérie et de sa jeunesse. “Procrastination” de Kaleb Etienne, et comme son nom l'indique s'intéresse au “retardataire chronique”, à celui qui remet toujours au lendemain ce qu'il peut (ou doit) faire le jour même. Si l'histoire du film met en scène Azeddine (Khaled Benaïssa), qui hésite à appeler l'amour de sa vie, le propos est percutant puisqu'il épouse bien un état d'esprit typiquement algérien selon lequel on remet toujours à plus tard ce qui pourrait être fait (et rapidement) le jour même. “Un homme face au miroir”, de Zakaria Saidani, part d'une intéressante idée, qui n'est, malheureusement, pas profonde. Il s'est intéressé à la schizophrénie (un des thèmes “casse-gueule”), mais il est resté en surface sans s'approfondir, sans épaissir ses personnages. Si le spectateur fait l'effort de pousser la réflexion, on dira que la schizophrénie est une métaphore sur le rêve des jeunes d'avoir une autre vie. Mais il semble que Zakaria Saidani (intéressant personnage !) n'est pas allé au bout, qu'il s'est mis des barrières. " Quatre garçons dans le vent ! " Dans son court-métrage, “Un jour à Alger”, Raouf Benia oscille entre la réalité et l'imaginaire dans une fiction qui met en scène Hakim, un jeune cadre, stable et prospère qui fait un cauchemar terrifiant. Un beau matin, il se réveille et s'aperçoit qu'il vit encore chez ses parents, que le métro est encore en chantier, que les taxis choisissent la destination à la place des clients, que rien ne bouge et que tout avance à doses homéopathiques. Quel cauchemar ! Et pourtant, c'est notre réalité d'aujourd'hui. De tous les films projetés, le plus percutant est “Demain, Alger” d'Amin Sidi Boumédine. Trois copains discutent en bas d'un immeuble : le premier est déterminé à se rendre le lendemain à Alger à 10 heures, et les deux autres sont réticents à cette idée. Ce qui les travaille également est le départ de leur meilleur copain, Fouad, pour la France, pour poursuivre ses études. On décèle de la colère, on distille de la révolte, et le mégot jeté par terre, mais pas écrasé, nous renseigne davantage sur le feu qui brûle ces trois jeunes, qui ont certes des trajectoires différentes. On apprend, à la fin, que le jour du départ de Fouad est un certain 4 octobre 1988, et que ses trois amis s'apprêtent à participer à un des plus importants évènements qu'a connu l'Algérie. Un évènement qui marque un tournant décisif dans l'histoire du pays. En plus de la magnifique qualité d'image, du souci de reconstitution, des plans serrés qui se concentrent sur les visages et les expressions, et puis le charisme des comédiens, le propos du film est d'un grand réalisme. Amin Sidi Boumédine se montre sans concessions, puisqu'avec les quatre garçons se dessinent quatre tendances sociales : le convaincu, le suiveur, l'antagoniste et puis le lâche. En effet, Fouad, qui émigre sans dire au revoir à ses amis, est représenté tel un lâche qui abandonne ses idéaux et ses convictions (dans sa chambre, on voit des posters du Che et de Bob Marley) ; il tourne le dos à ses amis -comme s'il tournait le dos à son pays- au moment où ils avaient le plus besoin de lui. Des quatre courts-métrages du projet Alger Demain, “Demain, Alger” d'Amin Sidi Boumédine est le plus audacieux, le plus intéressant, le plus abouti. Aura-t-il le prix des JCA ? Là est toute la question…