La rentrée universitaire a coïncidé avec la grève des cheminots. C'est, en effet, le samedi 18 octobre 2003 que le coup d'envoi a été donné pour le retour dans les universités, c'est-à-dire le cinquième jour du débrayage. Cette rentrée a été vécue avec beaucoup d'appréhension et de stress par les étudiants et leurs enseignants. L'annonce de l'arrêt de la grève a été accueillie avec soulagement par ces derniers, ainsi que par les chauffeurs de bus et de taxis. “Je ne voudrais pas paraître ingrat vis-à-vis des travailleurs de la Société nationale des transports ferroviaires, mais je trouve qu'ils n'ont pas pensé aux conséquences de leurs actions sur nos autres étudiants”, nous a confié, hier, Nabil, un bachelier, qui vient de rejoindre l'université de Bab-Ezzouar et qui s'apprêtait à prendre un bus à la station de Tafourah. Selon lui, les cheminots ont certes le droit de protester et de demander l'amélioration de leurs conditions de travail, mais “sans prendre en otage le citoyen zaouali, qui est déjà assez perturbé comme ça, avec tous ces drames : le terrorisme, les inondations et le dernier tremblement de terre”. L'étudiant nous a longuement parlé de sa vie et des difficultés vécues par sa famille. “J'appartiens à une famille de cinq enfants qui vit du salaire du père, un agent de la mairie. Mes trois frères aînés ont abandonné très tôt les études ; mon autre sœur a redoublé sa première année secondaire et refuse de retourner au lycée, elle préfère suivre une formation en informatique. Je suis donc le seul à entrer à l'université. Je n'ai pas vraiment envie de perdre mon temps avec les grèves”, a-t-il affirmé avec fermeté. Nabil n'a pas caché son aversion par rapport à ce “pouvoir égoïste” responsable, d'après lui, “des malheurs des Algériens”. Son avis est partagé par d'autres étudiants rencontrés, hier matin, devant l'université Houari-Boumediene de Bab-Ezzouar et ceux de la Fac centrale à Alger-Centre, dont certains ont clairement exprimé leurs “inquiétudes” devant la multiplication des conflits sociaux. D'autres, en revanche, ont manifesté haut et fort leur solidarité avec les grévistes, en considérant avec philosophie que le mouvement de protestation est “un passage obligé pour le recouvrement de la dignité des salariés”. “On a du mal à comprendre tout ce qui se passe en Algérie, pourtant on est conscient qu'on vit en pleine dérive. Pour ma part, je reste persuadé que les luttes au sein de la société, et en particulier dans le monde du travail, ouvriront de nouvelles perspectives, de bonnes perspectives pour ce pays”, nous a déclaré Yacine, un étudiant en deuxième année en sciences sociales. Ce dernier a également salué la reprise des activités ferroviaires, en nous lançant avec un large sourire : “Les cheminots ont bien fait d'arrêter la grève maintenant, ils viennent de démontrer à la fois leur force et leur souci de servir le citoyen.” H. A.