Annaba, El-Tarf, Sétif, Batna ou encore Mila n'ont cessé d'être le foyer de la contestation, avec pertes et fracas, des listes de logements à l'est du pays, depuis au moins une année maintenant. Une contestation, qui est régulièrement émaillée d'affrontements violents avec les forces d'émeutes et accompagnée de destruction de biens publics et privés comme cela s'est passé à la cité de la SAS de Sidi-Salem, à Annaba, l'été passé, et à trois reprises en moins d'une année, au niveau du quartier Didouche-Mourad. La réaction des habitants des quartiers réputés déshérités a été la même à chaque affichage des listes de bénéficiaires de logements affichées et ceci a fini par échauder les responsables locaux, notamment les chefs de daïra et les élus communaux, ciblés tout particulièrement par la vindicte des exclus. Du côté de l'administration locale, on ne désespère pourtant pas de venir à bout de ce phénomène et les responsables rencontrés demeurent convaincus que la réalisation des différents programmes inscrits au titre du quinquennal et notamment du programme d'habitat rural sont en mesure de satisfaire le plus grand nombre. Le chef de daïra d'Annaba affirmait récemment que le programme de 7 000 logements, du type rural pour la plupart, réalisés et attribués au fur et mesure à travers toutes les localités de la wilaya d'Annaba, a quand même résorbé une bonne partie de l'habitat précaire, d'autant plus que le quota de 1 960 logements sociaux promis est effectivement livré et distribué à des familles qui le méritent, devait-il préciser. Il est évident aux yeux de ce chef de daïra que cette perspective d'attribution de logements sociaux ne pourra pas satisfaire tout le monde, le nombre de demandeurs officiellement recensés étant actuellement de 24 511 et que le manque de terrains d'assiette est ressenti dans la wilaya d'Annaba. Il n'empêche qu'à chaque livraison du peu réalisé, la procédure est scrupuleusement respectée s'agissant des quotas disponibles, indique-t-on au niveau de la commune chef-lieu. D'autant plus, précisent les élus, que les brigades ayant pour mission d'étudier, dans la transparence et le respect des quotas, les dossiers depuis plus de deux ans n'auraient rien laissé au hasard afin que les demandeurs de logement des différents quartiers et cités dépendant de l'APC d'Annaba bénéficient de ces attributions. Il est ajouté que les listes des bénéficiaires sont soumises à l'approbation des services de sécurité après contre-enquête sur le terrain. Des arguments qui sont loin de convaincre les habitants des vieux quartiers et des bidonvilles de la périphérie d'Annaba qui n'accordent aucun crédit aux personnes chargées de l'élaboration des listes de bénéficiaires. Ces dernières sont ouvertement accusées de “ben ammis”, de copinage, si ce n'est carrément de corruption, chacun estimant que son cas est prioritaire par rapport au reste. Les lettres de recours introduites à l'encontre de prétendus indus bénéficiaires dont on évalue le nombre à une centaine pour l'heure se sont avérées, toutes, infondées. À El-Tarf, les listes de bénéficiaires seront révisées Le même constat est fait à El-Tarf où les trois listes de bénéficiaires de logements seront, croit-on savoir, révisées après l'introduction des recours qui ont commencé au lendemain des émeutes qui ont éclaté, il y a une dizaine de jours, dans la station balnéaire d'El-Kala, durant lesquelles des dégâts matériels importants ont été enregistrés. Ainsi, nous avons tenté de prendre attache avec les membres de la commission chargée de l'étude d'établir la liste des bénéficiaires, en vain. Pourtant, selon nos sources, au moins 300 dossiers de recours ont été recensés. Du côté de la DAS, en effet, de recevoir les recours “la liste que nous avions en notre possession comprend des irrégularités que nous allons régulariser avec une autre commission qui siégera dans les prochains jours et dégagera une liste qui sera acceptée par tout le monde. Le secrétaire général qui assume l'intérim, étant donné que le wali est en congé, a demandé à ce qu'il y ait une étude au cas par cas”. Le pire a été évité à El-Eulma À Sétif, c'est dans la ville d'El-Eulma que l'affichage de la liste des 963 bénéficiaires de logements qui a mis le feu aux poudres. Le pire a été évité grâce à la vigilance et à la sagesse des services de sécurité. Le cabinet du sous-préfet a été totalement saccagé, deux bureaux ont été incendiés et des carreaux de la façade cassés. Les non-bénéficiaires ont critiqué les membres de la commission et ont même exigé le départ du chef de daïra. “Plusieurs demandeurs de logements natifs d'El-Eulma, ayant déposé des dossiers depuis deux voire trois décennies, n'ont pas bénéficié d'un logement et on voit que des personnes qui sont venues dernièrement pour s'installer à El-Eulma ont en bénéficié.” Aussi, nous avons appris que plus de 1 600 recours ont été déposés au niveau de la wilaya, au lendemain des évènements qui ont, par ailleurs, émaillé la commune d'Aïn Arnet, après l'affichage de la liste des bénéficiaires de 189 logements. “Nous allons attribuer bientôt 150 unités dans le cadre de la résorption de l'habitat précaire, 250 logements ruraux et nous allons lancer la construction de 240 logements socioparticipatifs”, tenait à rassurer, M. M'higni, maire d'Aïn Arnat. Enfin, dans la wilaya de Batna, l'atmosphère est toujours électrique, une semaine après les émeutes qui ont secoué la commune de N'gaous. N'gaous : “On nous dit d'aller à Batna” Nous avons rencontré les citoyens qui étaient impliqués d'une manière ou d'une autre dans la contestation du 26 juin dernier, où de violents affrontements ont opposé les manifestants aux services de l'ordre. Ils tiennent une version des faits, totalement, à l'opposé de celle des autorités locales. “Personne ne voulait nous écouter, on prenait à la légère notre souhait de déposer des demandes de recours, on nous disait d'aller nous plaindre à Batna, je peux vous jurer que le chef de daïra nous narguer, il nous a même fait un bras d'honneur. Comment voulez-vous qu'on accepte une liste où les derniers arrivés sont les premiers servis. 49 citoyens vont êtres présentés devant la justice, pour la simple raison, qu'ils n'ont pas accepté la hogra et l'injustice qui règnent à N'gaous. Ce sont les enfants des responsables qui sont sur les listes des bénéficiaires, alors que certains dossiers croulent sous la poussière depuis 1998”, nous dit-on. À la mairie de N'gaous, le président de l'Assemblée populaire, M. Rahal, a eu une rencontre avec les sages de la ville et le mouvement associatif, dans l'espoir d'apaiser les esprits. Fait marquant et pas des moindres, la commune de N'gaous est sans exécutif depuis bientôt une année, suite à un retrait de confiance du maire, qui gère les affaires de la ville avec une équipe très réduite et qui ne fait pas l'unanimité. Les membres dissidents, estiment quant à eux, qu'ils ont à plusieurs reprises, essayé d'attirer l'attention sur une gestion qu'ils considèrent catastrophique, mais peine perdue. Le chef de daïra, quant à lui, tient un autre discours. Il faut chercher la cause des émeutes ailleurs, et non dans la liste d'attribution des logements qui, selon lui, n'est qu'un prétexte. “Nous avons informé les citoyens qu'il y a une commission de recours et que rien n'était définitif et que tous les dossiers seront réétudiés”, dira-t-il.