Comme chaque année, à l'approche du Ramadhan, les Algériens, avec appréhension, scrutent la mercuriale des prix des fruits et légumes. Ils caressent le doux espoir de voir les pouvoirs publics accourir à leur secours par des actions vigoureuses d'encadrement et de régulation du marché. Comme chaque année, des cellules de crise, des comités interministériels et autres structures ad hoc sont mis en place pour juguler la spirale infernale des prix et le saignement qu'ils provoquent chez les petites et moyennes bourses. Comme toujours, en pareilles circonstances, des mises en garde à l'encontre des spéculateurs sont accompagnées d'effets d'annonce largement diffusés par les médias officiels. Comme à l'accoutumée, les différents ministères se rejettent la responsabilité. “C'est l'économie de marché, les prix sont libres, c'est la loi de l'offre et de la demande, on n'y peut rien.” Ce genre d'arguments, avancés souvent par de hauts responsables de l'Etat, tout en recouvrant une part de la réalité, ne font pas moins l'impasse sur l'autre part, plus difficile à avouer celle-là, parce qu'elle signifie un aveu d'échec. La vérité est que plus de 70% des fruits et légumes commercialisés transitent par des circuits informels et échappent à tout contrôle. La vérité est que l'ouverture débridée du marché, sans instruments de régulation et de contrôle de la puissance publique, a favorisé ce type de pratiques spéculatives et frauduleuses. La vérité est que cette situation tend à devenir structurelle au-delà de la période du Ramadhan. Elle menace tellement la stabilité sociale que le président de la République lui-même, a réagi clairement contre la libéralisation sauvage des circuits de distribution, lors du Conseil des ministres tenu le 26 août 2009 : “La maîtrise de la régulation des marchés, notamment à l'occasion du mois sacré du Ramadhan, a révélé ses limites face aux effets de la libéralisation incontrôlée des circuits de distribution, aggravés conjoncturellement surtout par des pratiques spéculatives et parasitaires au détriment des citoyens et à l'encontre de la portée spirituelle du mois du Ramadhan.” Mais, en dépit de cette “montée au créneau” du premier magistrat du pays, il se trouve aujourd'hui des responsables qui estiment que l'incurie et l'anarchie qui caractérisent le marché à la veille du mois sacré du Ramadhan, sont dues à la propension inconsidérée et irrationnelle du consommateur à vouloir tout acheter et à tout prix, créant ainsi les pénuries et provoquant la flambée des prix. Il ne s'agit pas de se tromper de cible comme l'a fait le ministre du Commerce, à court “d'imagination” ou, à “escient”, disculpe de fait les barons du commerce de gros, les maquignons et les chevillards, pour designer les citoyens aux lieu et place des vrais coupables. La salade à 100 DA ! En contre- partie, il propose aux Algériens un code de “conscientisation” pour leur éviter de tomber entre les griffes des prédateurs de tout acabit. Ainsi, à moins de deux semaines du début du jeûne, les prix des fruits et légumes connaissent une augmentation qui varie entre 50 et 70%. Cette hausse est perceptible y compris au niveau des marchés dits populaires comme ceux de Bab El-Oued, Belcourt et El Harrach. En l'occurence, la courgette est cédée entre 60 et 70 DA, la tomate entre 50 et 60 DA et la salade, tenez-vous bien, à 100 DA ! Quant aux viandes rouges et blanches, leurs prix s'envolent pour atteindre les 800 DA/kg (escalope de dinde) 340 DA/kg (le poulet) et entre 1 000 et 1 500 DA/kg (viande ovine et bovine). Il est vrai que dans tous les pays du monde, à l'approche de fêtes religieuses ou autres, les prix oscillent en fonction de l'offre et de la demande, mais en aucun cas les commerçants ne fixent des seuils de marges bénéficiaires qui dépassent l'entendement, au risque de se faire sanctionner sévèrement par les différents services de contrôle des prix. La balle est dans le camp des responsables en charge du secteur du commerce en dernière instance, même si, directement ou indirectement, d'autres secteurs sont concernés par la régulation du marché, à l'instar du ministère de l'Agriculture.