On ne peut pas prétendre lutter contre le terrorisme international et rendre hommage à l'un de ses symboles. On ne s'étonne plus de la facilité déconcertante avec laquelle le président Bouteflika balaie d'un revers de la main des années de terrorisme, en graciant des criminels de guerre et en effaçant d'un trait de plume l'implication d'un pays dans l'entraînement et le financement des groupes armés, non seulement en Algérie mais un peu partout dans le monde. Son geste d'hier à Téhéran confirme au moins une chose : chaque déplacement du Président à l'extérieur est censé œuvrer pour sa réélection à la magistrature suprême en 2004. Sinon, comment expliquer qu'il se soit recueilli sur la tombe d'un homme qui n'a jamais caché ses liens avec le terrorisme international, avant de rencontrer le guide suprême de la révolution iranienne, Ali Khamenei, si ce n'est pour soudoyer un électorat islamiste en perte de vitesse ! En matière de géostratégie et de rapprochement avec un pays qui, outre le fait qu'il a perdu de sa puissance économique et de son poids diplomatique en Asie, reste inscrit sur la liste noire du département d'Etat américain, la démarche du Président est inutile, voire néfaste pour l'Algérie. C'est là, assurément, la concession de trop à l'égard de l'islamisme que seul un sentiment de dépit pouvait inspirer au chef de l'Etat. C'est, en effet, parce qu'il a épuisé toutes ses cartes à l'intérieur qu'il tente maintenant de faire sa propre campagne à l'étranger. Et de quelle manière ! Dans sa logique visant à redorer l'image ternie du pays par tant d'années de violence et d'isolement, le Président risque d'aboutir aux antipodes de ses propres objectifs. On ne peut pas prétendre lutter contre le terrorisme international et rendre hommage à l'un de ses symboles. On ne peut pas aller loin dans le processus de réchauffement des relations avec un Etat dont l'implication dans l'assassinat de cadres algériens en Algérie vient d'être confirmée par l'ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar, un témoin qu'on ne peut soupçonner d'être mal informé. Contre ce témoignage et, plus généralement, face à sa disqualification grandissante à l'intérieur du pays, le geste de Abdelaziz Bouteflika est une provocation à qui de droit. Une provocation qui sied à l'homme, tel que décrit dans son dernier livre par le même Khaled Nezzar. S. T.