Dans la forme, l'AKP, le parti islamiste au pouvoir en Turquie, a marqué des points contre l'armée garante de la laïcité à l'Atatürk. La situation est certes tendue dans le pays, mais les islamistes de l'AKP ont, d'ores et déjà, gagné une manche. La démission de la hiérarchie militaire n'a occasionné ni de coup d'Etat ni même de mouvement de foules. Les esprits Ankara et Istanbul sont certainement à la surchauffe mais sans plus. Le président Abdullah Gül, ex-numéro deux de l'AKP, s'est exprimé au lendemain de la démission des quatre plus hauts responsables militaires pour rassurer sur le jeu institutionnel, sans minimiser les faits. La situation est “extraordinaire”, a-t-il concédé. “Il n'y a pas de crise, les choses rentrent dans l'ordre et le Conseil militaire suprême, qui doit se tenir lundi, sera tout à fait normal”, selon Abdullah Gül. “Historique”, n'arrêtent pas de commenter la presse turque. Les militaires turcs, effectivement, ne sont plus ce qu'ils étaient. Eux qui en 1997 encore déposaient le gouvernement de l'islamiste Erbakan ont été forcés en à peine neuf ans de pouvoir de l'AKP à renoncer à leurs prérogatives, leur droit de regard sur la vie politique nationale, souligne-t-elle. La Turquie est désormais régie par le droit, la justice et les lois, a expliqué le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, le boos de l'AKP reconduit pour la troisième fois consécutive à la tête du gouvernement par voie électorale. Les militaires, propagent ses proches, sont tenus désormais de rendre des comptes devant la justice civile. Ils croupissent par centaines en prison pour des complots qu'ils n'ont pas fomentés, selon leur hiérarchie. Ils doivent se plier aux règles de la démocratie, leur rétorque Erdogan. Les procès de nombreux officiers se poursuivent. De ce point de vue, une page importante de l'histoire mouvementée de la Turquie, marquée par les coups d'état militaires et les diktats des généraux, se tourne. La fin de la toute puissance de l'armée a commencé avec la mainmise des islamistes sur l'exécutif et la présidence de la République. Aujourd'hui, Erdogan cherche à marquer également la fin de l'impunité des généraux. Symboliquement, il y a réussi.