C'est un signe révélateur ! Cette sourate, consacrée au Coran, en portant le nom, se distingue par une structure qui frappe, étant une vraie fresque architecturale sous forme d'une symétrie opposant, d'un côté, le comportement agressif des mécréants de la Mecque vis-à-vis du Coran et, de l'autre, l'attachement exemplaire des compagnons au Livre révélé. Dieu soit exalté ! La clarté du schéma On est bien dans un système dual. Cheikh Hanbaka a distingué une douzaine de parties dans son ouvrage, entièrement consacré à cette sourate, en décortiquant la sourate dans le détail, mais en voulant lui trouver une logique thématique, et surtout communicative. Il a vu juste. Y a plus. En vérité elle renferme une introduction adressant des louanges à Dieu, suivie des douze parties relevées, qui se répartissent en deux : onze concernent le premier volet de la symétrie, en énumérant et en répondant aux attaques des mécréants avec dextérité pour casser leurs prétentions et les inviter à la raison et à la sagesse, et la douzième partie portant sur le deuxième volet, celui réservé aux comportements élevés des compagnons. Si le schéma de lecture est dégagé, tout le reste n'est qu'un simple remplissage. L'idée pré reçue que la sourate est un long assemblage bon à être appris par cœur, en faisant confiance à la facilité du texte coranique, est ainsi repoussée. On vient bien d'inverser cette démarche qui consiste à naviguer à vue aussi bien pour l'apprentissage que l'explication. La nouvelle démarche procède autrement pour prendre les commandes et agir dans une démarche claire et balisée de bout en bout avec une grande place à l'intelligence et à l'analyse scientifique. Une symétrie opposée entre les gens du Miséricordieux et les mécréants de la Mecque ! Structurellement on a : - Une introduction elle-même sous forme de symétrie entre des louanges à Dieu, en mettant en avant des attributs comme la révélation du Coran, la royauté, l'omnipotence et l'unicité et l'adoration de dieux impuissants des mécréants (01-04). Elle annonce ainsi le reste de la sourate ; - Le premier volet et les onze réponses aux mécréants (05-62) ; - Le deuxième volet décrivant les gens du Miséricordieux en huit traits (63-76) ; - Un avertissement en guide conclusion (77). La grande bataille est celle de l'approche, en mettant ainsi en exergue la logique communicative de la sourate. Le hic est que les techniques de communication, entrant dans le cadre miraculeux et exceptionnel du Coran, sont archi-connues des exégètes du style et de l'éloquence depuis les premières années du développement de l'exégèse, mais sont rarement utilisées pour construire des modèles de lecture, si bien que l'exégèse est confinée à l'explication des versets pris en globalité et le sens des mots, détachés les uns des autres. C'est contre ces pratiques assez plates, faisant fi de la réflexion et de l'analyse, que notre grand penseur Malek Bennabi s'était révolté. De même dans sa suite, ceux qui, de plus en plus nombreux, veulent réformer les démarches de traitement du texte coranique en y introduisant des outils d'approche modernistes ayant fait leur preuve, mais qui s'attirent l'hostilité des courants de l'inertie, sous prétexte de sauvegarde de la tradition. Zamakhchari avait vu loin ! Des tentatives ont été menées par des auteurs avec plus ou moins de succès, dont l'excellent Zamakhchari, tout au début, auquel les “puristes” lui reprochent d'avoir pris des écarts. Le penseur Jacques Berque, lui-même obnubilé par la beauté du style coranique, avait toutefois remarqué que c'était lui, avec l'imam El-Alusi, qui avaient constaté que des sourates avaient des schémas et des formes structurelles particulières en se complétant entre elles, à l'image de sourate El-Doha et Ech-Charh, aux structures éblouissantes avec un jure, trois promesses, trois rappels et trois recommandations pour la première et seulement trois rappels et trois recommandations pour la seconde. Ce qui veut dire clairement que le jure et les trois promesses contenus dans la première sont des facteurs communs aux deux sourates qui se suivent. Ce faisant, ces auteurs avaient introduit des notions d'ensembles et d'éléments de mathématique dans l'approche coranique pour faciliter la compréhension, à laquelle les exégètes à la culture limitée n'y pensent même pas. Pire, ils la combattent avec férocité, la déclarant hors norme. Aujourd'hui, les écrits de ces grands moufassirine et d'autres, maintenus dans l'ombre, doivent être dépoussiérés et relancés dans l'intérêt de l'interprétation coranique. Pour eux, le style, l'art de communication et la forme expressive, tout ce qui fait la beauté du texte coranique, sont indissociables dans tout effort d'interprétation. Avec l'évolution de la pensée et de la recherche, on s'aperçoit qu'on dispose là d'outils appréciables pouvant aider à construire de vrais modèles de lecture et s'ouvrir à l'interprétation de nouveaux horizons jusque-là inédits, non pas uniquement de simples indicateurs pour éveiller tout juste la mémoire. Avec même un bouleversement dans beaucoup de concepts, évidemment dans le bon sens. On a bien dit, d'abord, que le Coran explique le Coran en s'aidant du hadith, de la connaissance de la langue, de la tradition et de l'effort des penseurs et spécialistes. Chacun à sa façon avec son quotient de culture, d'intelligence et de connaissance. (À suivre) S. B. Prochain article : Sourate El-Forqane : Premier volet et la réponse aux mécréants en onze points. Email : [email protected]