“L'intellectuel du chaâbi” - comme on le surnomme -, a présenté avant-hier soir, à l'espace Mille et Une News du quotidien “Algérie News”, son nouvel album (le septième de sa carrière), édité à compte d'auteur, et qui comporte une préface signée Mustapha Toumi. Avant de revenir sur son “nouveau-né” qui lui a demandé neuf mois de préparation et des années de réflexion, Réda Doumaz a évoqué ses deux précédents albums : Lotfiya et Atlal , car le modérateur, Karim Amiti, a souhaité mettre l'accent sur l'éclectisme de Réda Doumaz qui a produit “trois albums diamétralement opposés”. Sorti en 1996, Lotfiya n'a jamais vu le jour en Algérie, et pourtant, c'est de la douloureuse décennie 1990 dont il est fait mention. “C'est un très bel album avec lequel j'ai fait pas mal de tournées, écrit, réalisé et nourri durant l'exil”, signale Réda Doumaz. Et d'ajouter : “Avec Lotfiya, je fais appel à la compassion divine” car il est question d'un dialogue avec le Créateur. “Il se passait des choses qui étaient très graves, très dangereuses en Algérie et de par le monde, et la poésie peut aider à exorciser certaines douleurs à offrir un discours universaliste, à ne pas faire de nous l'embryon du monde,” a estimé Réda Doumaz. Huit années d'exil, d'errance et de douleur plus tard, l'artiste retourne au pays, se retrouve “au stade d'amateur comme tout le monde”, et sort l'opus Atlal (vestiges). Un album enregistré à l'auditorium de la Radio avec 17 musiciens. Réda Doumaz, dont la perte du père avait occasionné une profonde blessure, donnant naissance à une grande nostalgie, a, pour les besoins de cet album, reconstitué le son des années 1970, afin de recréer l'atmosphère d'une belle époque. “Je voulais chanter un lieu qu'on a connu et qui n'existe plus”, a-t-il indiqué. Quant à Ya Chari Dala, Karim Amiti a insisté, que c'est “un règlement de compte”, mais l'interprète de “El Aïn Zerqa” a nuancé sa réponse en se disant désabusé. “Je ne suis pas aigri mais souvent je me sens désabusé à cause de fausses manœuvres, de fausses promesses, de dérobades, de l'argent… Je me sens vraiment désabusé, et j'ai appris que l'adversité faisait partie de l'imprévisible et donc du certain”, a-t-il confié. Ya Chari Dala est, en fait, “une poésie imbibée de termes très désuets de nos jours”, où l'on retrouve les thèmes de prédilection de Réda Doumaz au verbe douloureux, à l'exemple de la nostalgie. Durant le débat avec le public, l'artiste se montrera sans concession, concernant la réalité de la chanson chaâbie, aujourd'hui, ghettoïsée et surtout enfermée dans des clichés. Réda Doumaz tapera fort et juste en évoquant le Festival national de la chanson chaâbie qui ne laisse aucune chance à ceux qui se placent à l'écart du style d'El-Anka, de Guerrouabi et d'Ezzahi. Le chanteur mystique affichera son opposition à la démarche de ce festival qu'il refuse de cautionner : “On dit à un jeune, qui se présente au concours, tu chantes comme qui et non tu chantes quoi. Si quelqu'un à une petite voix qui ne ressemble à aucune voix, il n'a aucune chance,” a-t-il relevé, tout en estimant que le jury “juge les candidats sans science”. Il a également situé le problème de la chanson chaâbie dans le fait qu'elle est attachée au “mot religion, car durant le Ramadhan les disquaires qui vendent de tout évacuent les autres styles et placent sur les étals du Coran, ce qui est une bonne chose et des disques de Guerrouabi et Ezzahi”. Le débat a été d'une grande richesse, et Réda Doumaz, cette voix discordante, agréable à entendre et à écouter parler… malgré sa modestie légendaire et son humilité, a montré une grande érudition. Cet artiste qui se revendique de “l'esprit de continuité d'El Anka” est une des voix qui comptent aujourd'hui sur la scène musicale algérienne, en témoigne l'avant-goût qu'il a donné de son album, avec les titres Jouwal et Mea-culpa.