Certains propriétaires d'habitations ou de boutiques ont trouvé une autre astuce pour gagner encore plus d'argent : démolir la bâtisse ou la modifier à l'intérieur pour y faire des boutiques, minuscules en général, qu'on appelle dans le langage courant bazars ou même par ignorance centres commerciaux ! Les meilleures adresses dans la cité des Ponts se trouvent dans le boulevard Belouizdad, la rue Ben-M'hidi, le boulevard Abane-Ramdane ou encore Sidi Mabrouk. Au boulevard Belouizdad, pas moins d'une dizaine de bazars ont ouvert leurs portes ces deux dernières années, quelques-uns occupent deux étages et sont habituellement dédiés à la lingerie féminine. Si l'intérieur de la structure est agréable et confortable, rien n'est sûr par contre en ce qui concerne les conditions de sécurité, et parfois même d'hygiène. Les propriétaires de ces lieux, datant pour la plupart de l'époque coloniale, font des aménagements sans se soucier de l'agencement des parties des édifices, sinon comment expliquer qu'un bazar d'une cinquantaine de mètres carrés peut contenir jusqu'à une vingtaine de boutiques, voire plus, serrées les unes contre les autres ? De l'avis d'un architecte travaillant pour le compte d'un bureau d'études européen spécialisé dans la rénovation du vieux bâti, ces transformations risquent d'ébranler toutes les rues du centre-ville: “Tout le monde sait que la structure de ces bâtisses est très fragile. Au lieu d'inscrire ces quartiers au patrimoine architectural de la ville, les autorités laissent faire. Non seulement ces modifications présentent un danger en cas de catastrophe naturelle mais, en plus, elles défigurent complètement le style originale des immeubles. Si les services techniques de l'urbanisme de la wilaya décident d'enquêter, ils verront que le risque est réel”. Assurément, l'aspect esthétique est loin d'être respecté, mais cela reste visible uniquement dans ces rues commerçantes alors que pour d'autres quartiers plus calmes, il est quasiment impossible par exemple de faire des transformations de l'intérieur comme de l'extérieur. Est-ce par calcul ou négligence ? Alors que les autorités locales multiplient les efforts ces dernières années pour la conservation des vieux quartiers de la ville en lançant des opérations de rénovation d'immeubles et de maisons qui ont plus de 70 ans d'histoire (Coudiat, Aoutai Moustpha…) ne serait-il pas urgent de commencer par interdire ces aménagements qui se font n'importe comment dans les rez-de-chaussée de ces immeubles ? Car aucun de ces bazars, n'est en harmonie avec le décor. Pis, on ne demande pas l'avis de l'architecte mais du maçon, ce qui représente un risque pour la structure, nous assure cet architecte. Autre exemple : à Sidi Mabrouk, dans la banlieue Est de la ville, un clan d'hommes d'affaires, venu d'une wilaya limitrophe de Constantine, défigure depuis cinq ou six ans ce quartier, datant lui aussi de l'époque de coloniale. Le bruit court que “ces nouveaux riches” blanchissent leur argent en achetant des villas, puis ils les rasent avant de les remplacer par des centres commerciaux. Le phénomène est tel que rien qu'en faisant un tour dans les rues on ne peut que constater les dégâts : partout des chantiers dans un endroit qui, jadis, était réputé pour sa tranquillité. Les habitants, impuissants, ne peuvent qu'observer les transformations anarchiques de leur quartier. Certains se demandent alors comment des gens ont pu obtenir en un temps record la tonne de paperasse et d'autorisations nécessaires pour la réalisation de tels projets, et cela sans soulever le moindre soupçon ? À priori, rien ne les gêne puisque ce bizness marche très bien. D'autres habitations attendent en effet d'être démolies pour laisser place à des bazars.