Les férus des soirées dansantes et enivrantes au son des musiques gnawa, R'n'b' oranais ou andalous, et que les bousculades n'effraient pas, ont trouvé leur lieu de prédilection au théâtre de verdure en plein centre-ville d'Oran. Mais pour ceux et celles qui aspirent, après le f'tour, à prolonger la soirée en famille de manière conviviale, tout en profitant de la fraîcheur de la nuit sous un ciel étoilé, la quête d'un lieu idéal tourne court. Et les Oranais, faute de mieux, ont tout simplement réinventé la finalité des ronds-points, qui prennent vie, chaque soir, durant ce Ramadhan caniculaire, transformés en aire de repos, de jeux où enfants et adultes se côtoient, se partagent la pelouse, le tout sous la protection d'agents de police. Ainsi, le visiteur occasionnel à Oran ne peut qu'être surpris lorsqu'il découvre les ronds-points de l'hôtel Sheraton, du Centre des conventions Akid-Lotfi à l'est d'Oran où encore celui de l'EHU, qui dès les 21h30 sont envahis par des familles débonnaires s'y installant en toute simplicité. On vient sur place avec sa chaise de jardin ou de plage, on y ramène le thermos de thé, des petites sucreries, les enfants se roulent dans la pelouse ou vont tremper leurs pieds dans les bassins des jets d'eaux qui agrémentent certains de ces ronds-points. Les hommes se regroupent entre amis et voisins, car on va aux ronds-points comme on irait pique-niquer en forêt, et se livrent à des partis de cartes sans fin, dignes des scènes légendaires de Pagnol ayant immortalisés la “49e wilaya du pays”. Les mères, elles aussi, se regroupent et sont assises sur la pelouse, papotant et profitant d'instants frais après la cuisine, une manière également de casser l'enfermement domestique que beaucoup d'entre elles subissent durant ce mois de Ramadhan en août. On immortalise la soirée en filmant et photographiant, des bandes de copains se projettent dans l'avenir et lorgnent, comme il se doit, les filles, pas méchamment mais sans rien en perdre. Par la force des choses, les ronds-points d'Oran, sont devenus des destinations de délassement que les familles ne retrouvent nulle par ailleurs. Le boulevard du Front de mer au centre-ville reste attractif, mais s'attabler à une terrasse pour y consommer une boisson fraîche ou une coupe de glace est totalement impensable pour les familles. Il en coûte au minimum de 300 à 400 DA par personne. La crainte des agressions aussi ne plaide plus tellement pour les balades nocturnes en ville où dès qu'on quitte les principaux boulevards, la pénombre des ruelles fait peur. Le succès des ronds-points qui ne peuvent absorber l'attente des Oranais en quête de détente, vire presque à la catastrophe, comme au quartier Akid Lotfi où le lieu est victime de son succès. Le rond-point et le boulevard y attenant ont été clochardisés, dégradés, envahis par l'installation intempestive de marchands dans l'informel en tout genre, eux- aussi attirés par la concentration de clients potentiels. Une situation qui a pris une telle ampleur que les riverains ont été contraints de réagir et de se mobiliser pour tenter de sauver ce cadre de vie. La justesse de leur action a abouti à la sanction du délégué de ce secteur urbain décidée par le wali, qui ne peut occulter cette présence juste à côté du Centre des conventions d'Oran, carte postale de la ville.