Plus qu'un coup de cœur, c'est un coup de foudre que cette artiste a eu pour l'Algérie. On peut même dire que la flèche de Cupidon a bel et bien touché sa cible. Un effet irréversible, sans recours. Dans son ouvrage, les Carnets de Tlemcen, paru aux éditions Dalimen (Alger) et réalisé dans le cadre de Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011, Catherine Rossi croque à travers ses aquarelles une autre ville algérienne. C'est ainsi qu'après Alger, ses rues, ses quartiers et sa pittoresque Casbah, Tamanrasset, Blida, Oran, c'est autour de la capitale des Zianides, la perle de l'Ouest, Tlemcen. C'est un voyage initiatique vers les sources qu'elle propose. Tel un carnet de bord rempli de croquis et d'autres commentaires pour expliquer ou faire partager ses sentiments et autres souvenirs de son passage dans cette ville. “D'un voyage que rapporte-t-on ? Des éclats de lumière, des sensations fugaces et des sentiments impalpables… Des graines de mémoire semées par-delà le temps, des lambeaux de phrases comme des mélodies sanctifiées par les lieux, des marques de soleil sur la peau et des poussières d'étoiles dans les yeux.” Les carnets de Tlemcen sont des souvenirs épars, “effilochés” composés “d'ombres chaudes”. C'est une série de parfums et de senteurs d'antan, qui chatouillent les narines, évoquant en chacun de nous une quelconque pensée, aussi minime fut-elle, comme la Madeleine de Proust. Feuilletant page par page ce beau livre, le lecteur est pris de différents “sentiments pantelants”, des “images floutées” surgissent de nulle part, telles des ombres fugaces… “Tlemcen se révèle dans le sensible, s'exprime dans les nuances, entre ombre et lumière, entre les métaphores”.Son séjour à Tlemcen, Catherine Rossi l'a raconté à travers différentes aquarelles aussi belles les unes que les autres. Ces peintures sont accompagnées d'un texte dans lequel elle couche sur papier ses impressions premières, ses sentiments pour certains. Pour d'autres, c'est un rappel historique qu'elle nous livre… Ce ne sont pas un ou deux dessins, mais plusieurs représentant chaque espace sous toutes ses coutures. Même les plans de construction sont également reproduits. Le lecteur aura le loisir d'apprécier la beauté du travail de l'artiste ainsi que son regard fidèle qui reproduit la réalité sans la travestir. Les tons pastel utilisés donnent au dessin un effet dilué, presque effacé. Plusieurs dizaines d'aquarelles dévoilent un quotidien, une tranche de vie. Comme ce voleur d'images, l'artiste raconte la vie à Tlemcen également. Elle rapporte le déroulement de ce quotidien paisible à travers les hauts lieux qui font la réputation de cette ville. D'ailleurs, elle propose seize haltes principales. Elle introduit son travail par un beau texte sur la ville et les sources qui ont existé jadis – certaines existent toujours – devenues porteuses d'histoires ou de légendes : “Aïcha était belle, très belle ; elle venait nager dans la source aux poissons et elle aimait sa liberté dans l'eau. Dans la fontaine, elle s'abandonnait au plaisir du bain, dévoilant innocemment ses grâces infinies, la blancheur de sa peau et ses cheveux longs et clairs comme des fils d'or.” D'autres dessins, un post-scriptum et d'autres informations d'un grand intérêt terminent ce livre. Les carnets de Tlemcen, plus que des aquarelles où la beauté des lieux est rehaussée par celle des couleurs, c'est l'histoire d'une des grandes et belles villes d'Algérie, gorgée d'histoire, abritant le plus grand nombre du patrimoine musulman du pays, témoin de l'histoire. Les carnets de Tlemcen, beau livre, éditions Dalimen, Alger, 2011. 132 pages. Prix public : 1800 DA.