L'ambitieux programme de mise à niveau, décidé par les pouvoirs publics, semble être mal parti et court le risque de connaître de sérieuses difficultés d'exécution. Le forum des chefs d'entreprise, une des principales organisations patronales du pays, réagissant à la promulgation du décret exécutif n° 11-264 du 30 juillet 2011, qui fixe les modalités de fonctionnement du compte d'affectation spéciale n° 302-124 intitulé “fonds national de mise à niveau des PME”, regrette l'absence de représentants du patronat privé, dans la composition du comité national de mise à niveau. Alors que le nouveau programme national de mise à niveau, projeté pour un montant de 386 milliards de dinars sur la période 2010-2014 et visant l'objectif de mettre à niveau 20 000 PME durant cette même période, est censé avoir démarré en 2010 (dossier examiné en Conseil des ministres du 11 juillet 2010), un nouveau décret exécutif en date du 30 juillet 2011 est promulgué pour traiter de la composition du comité national de mise à niveau (ajout d'un nouvel article car les décrets précédents de 2006 et 2007 ne traitaient pas de la composition du comité) et de nouvelles conditions d'éligibilité au fonds national de mise à niveau des PME. “Nous observons tout d'abord qu'en ce qui concerne la composition du comité national de mise à niveau, le nouveau décret prévoit la participation de pas moins de 13 ministères avec 16 représentants (dont 2 pour le ministère des Finances et 3 pour le ministère chargé de la PME) ; sont également représentés dans ce comité les organismes suivants : le Cnes, l'ANDPME, le CNC-PME, la CGCI et l'Abef, soit un total de 21 membres” indique le FCE déplorant “le fait que le décret ne prévoit pas de représentants du patronat privé, pourtant directement et principalement concerné par le processus de mise à niveau”. Pour le Forum des chefs d'entreprise, “la mise en œuvre de ce processus demeurera hypothétique tant que les principales parties prenantes, à savoir les entreprises, ne seront pas paritairement représentées et mises à contribution dans les organes de pilotage et de gestion de cette politique aux retombées potentiellement considérables”. Le FCE considère que la mise en œuvre du programme national de mise à niveau “qui continue ainsi à être l'otage d'une gestion centralisée et bureaucratique”, se caractérise, en outre, par de nombreuses insuffisances tant dans la formulation que dans la démarche et le dispositif de mise en œuvre. L'organisation patronale, présidée par Réda Hamiani, dans une lettre adressée, au mois d'avril dernier, au ministre de l'Industrie, s'est interrogée sur les conditions de la mise en œuvre de cet important programme. Par rapport, d'abord, à l'ampleur du programme. Mettre à niveau 20 000 entreprises d'ici 2014, c'est traiter chaque année 5 000 PME. La prise en charge annuelle de 5 000 PME requiert l'implication d'un nombre impressionnant de bureaux d'études et institutions publiques de pilotage pour couvrir l'énorme besoin en expertises et études qu'il génère. une simple projection des volumes horaires d'expertises nécessaires pour réaliser les différentes actions inscrites au programme de mise à niveau (pré-diagnostics, diagnostics, établissement des plans de mise à niveau, mise en œuvre de ces plans, actions spécifiques retenues…) et leur programmation rationnelle au cours des quatre années à venir, laissent apparaître un certain nombre de contraintes pratiques qu'il ne sera pas raisonnablement possible de lever en dépit de la bonne volonté qui anime les équipes responsables. L'autre insuffisance, relevée par certains économistes, concerne le statut de l'Agence nationale de développement de la PME chargée de la conduite des opérations de mise en œuvre du programme national de mise à niveau. C'est un établissement public à caractère administratif, limité en termes de moyens. Le niveau important des dépenses dégagées pour la mise à niveau nécessite un autre statut pour l'ANDPME, avec des moyens et pouvoir de décision plus importants. Le programme de mise à niveau devrait être aussi adossé à une stratégie économique bien définie, pour que les “énormes” ressources financières allouées à ce dispositif touchent les véritables PME, disposant d'un marché et d'avantages concurrentiels. En tout état de cause, “compte tenu de l'importance considérable que revêt pour l'économie nationale ce programme”, le FCE compte présenter “prochainement” au gouvernement un rapport circonstancié sur les conditions qui, de son point de vue, devraient présider à sa conduite pour assurer son succès.