Vingt-sept actions effectives de mise à niveau de PME, c'est le bilan affiché pour l'heure par l'agence chargée officiellement de gérer l'énorme programme annoncé voici près d'un an par le gouvernement algérien. Définis par une loi datant de 2001 et inaugurés en 2002, les programmes de mise à niveau des PME algériennes ont d'abord été popularisés et lancés dans le cadre du programme Meda de l'Union européenne. En mobilisant plus de 100 millions d'euros en 2 étapes et une dizaine d'années, ils ont bénéficié à un peu plus de 400 entreprises. Selon le représentant du programme européen en Algérie : “Il ne s'agissait pas pour nous de mettre à niveau l'ensemble des PME algériennes, mais de s'intéresser au segment particulier des entreprises industrielles privées de plus de 250 salariés dont l'effectif total est un peu supérieur à deux milliers. Ce programme de mise à niveau des PME algériennes était destiné aux entreprises qui veulent se mettre aux normes et aux standards internationaux et qui souhaitent devenir compétitives pour aller travailler sur des marchés à l'extérieur.” Une expérience qui semble avoir été appréciée par les bénéficiaires qui considèrent pour 2/3 d'entre eux, que ce programme a eu un impact positif sur la qualité du produit, la maîtrise de la structure des coûts ainsi que sur les techniques de gestion. Expérience généralement considérée comme réussie, également dans la mesure où les acquis de ce programme, mis en œuvre conjointement avec le ministère de la PME, ont été capitalisés par l'administration algérienne qui s'est appropriée une bonne partie de ses outils et de ses méthodes, dans le but de passer à l'étape suivante caractérisée par des moyens financiers considérablement élargis et des objectifs beaucoup plus ambitieux. Une enveloppe financière de 4 milliards d'euros Annoncé par le gouvernement le 11 juillet 2010, le programme quinquennal 2010-2014 de mise à niveau des PME est destiné suivant les termes du communiqué du Conseil des ministres qui l'a adopté à “préparer les entreprises nationales à affronter la compétition internationale et à permettre la diversification de nos exportations”. L'Etat algérien, qui fixe un objectif de mise à niveau de 20 000 petites et moyennes entreprises durant la période 2010-2014, est ainsi disposé à “engager à cette fin, plus de 380 milliards de dinars (près 4 milliards d'euros) de ressources publiques en concours directs et en bonification sur les intérêts des crédits bancaires”. Retard dans la mise en œuvre Ce programme ambitieux, auquel le gouvernement a donné son feu vert depuis près d'un an, accuse déjà un retard important. Le directeur général de l'Agence nationale pour le développement de la PME (ANDPME), M. Rachid Moussaoui dressait, voici quelques jours, un premier bilan: “400 PME ont déposé leur dossier pour bénéficier du programme, dont 159 sont éligibles, les 241 demandes restantes seront traitées rapidement”, a expliqué M. Moussaoui sur les ondes de la Radio nationale, ajoutant que chaque entreprise sélectionnée bénéficiera d'un “coaching”, estimé à 20 millions de DA, pour améliorer ses capacités de gestion et de maîtrise de l'innovation, renouveler ses équipements et normaliser ses produits. M. Moussaoui a également précisé que le lancement du programme de mise à niveau, a été précédé par une large campagne de sensibilisation ayant touché 2 100 opérateurs nationaux implantés dans différentes régions du pays. Le site Internet de l'ANDPME affiche de son côté, depuis de nombreux mois, un bilan de 422 demandes d'adhésion au programme de mise à niveau accompagné d'un nombre d'actions ne dépassant pas 340, dont la plupart sont des diagnostics express, et seulement 27 des actions effectives de mise à niveau . Critiques patronales Un programme qui court le risque de connaître de sérieuses difficultés d'exécution, selon le Forum des chefs d'entreprises (FCE), principale organisation patronale du pays qui a adressé à la fin du mois d'avril dernier une correspondance sur ce sujet au Premier ministre. L'association patronale dirigée par Réda Hamiani se félicite tout d'abord du “caractère gigantesque et ambitieux du programme qui est ainsi proposé par nos autorités en faveur de l'entreprise algérienne. Le niveau du soutien annoncé, mobilisant une enveloppe financière d'une importance sans précédent, illustre parfaitement à notre sens, la fermeté et la solidité de l'engagement politique qui est ainsi affirmé des plus hautes autorités du pays en direction du développement de la PME nationale”. Le FCE interpelle néanmoins Ahmed Ouyahia, sur l'extrême difficulté, voire l'impossibilité d'assurer, en nombre et en qualité, les besoins d'expertises et études nécessaires à un programme de mise à niveau dont devraient bénéficier des milliers de PME durant les 5 prochaines années. La prise en charge annuelle de 4 000 PME requiert l'implication d'un nombre impressionnant de bureaux d'études et institutions publiques de pilotage pour couvrir l'énorme besoin en expertises et études qu'il génère. Dans cette correspondance adressée au Premier ministre, le FCE signale, sans toutefois préconiser une solution, qu'“une simple projection des volumes horaires d'expertise nécessaires pour réaliser les différentes actions inscrites au programme de mise à niveau (prédiagnostics, diagnostics, établissement des plans de mise à niveau, mise en œuvre de ces plans, actions spécifiques retenues...) et leur programmation rationnelle au cours des quatre années à venir, laissent apparaître un certain nombre de contraintes pratiques qu'il ne sera pas raisonnablement possible de lever en dépit de la bonne volonté qui anime les équipes responsables”. Une autre contrainte, portée à l'attention du Premier ministre par cette association patronale, a trait au statut inadapté de l'agence officiellement chargée de la conduite des opérations de mise à niveau, en l'occurrence, l'Agence nationale de développement de la PME (ANDPME). Cette dernière est, en effet, régie par le statut trop contraignant d'Etablissement public à caractère administratif (EPA) qui ne convient pas du tout aux missions dynamiques qui lui sont assignées. (Voir encadré) La promotion des “champions nationaux” oubliée Dans cette même correspondance, le FCE déplore également l'absence d'une stratégie économique clairement formulée à laquelle aurait dû être adossé ce programme national de mise à niveau. Sans vision prospective, sans objectifs clairs et sans démarche cohérente, ce programme risque, pour l'association patronale, de dériver vers l'inconnu avec le risque de dépenser l'argent des contribuables sans résultat tangible. Le FCE recommande de commencer par faire un état des lieux précis du secteur de la PME, l'objectif étant d'aboutir à un recensement fiable de la population des PME algériennes. Le FCE regrette enfin l'exclusion des grandes entreprises algériennes du processus de mise à niveau engagé. Il interpelle le Premier ministre sur la nécessité d'élargir le bénéfice de ce programme aux entreprises réalisant plus de 500 millions de DA de chiffre d'affaires annuel qui en sont aujourd'hui exclues. L'association patronale dirigée par M. Réda Hamiani souhaite ainsi “la promotion des champions nationaux, autrement dit des entreprises ayant atteint un niveau de croissance substantiel et détenant déjà une position centrale sur leur propre marché, mais qui demandent néanmoins à être, elles aussi, stimulées parce qu'elles sont des fers de lance dans la compétition internationale”.