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“Nous voulons des toits, pas des couffins”
Un premier jour de Ramadan chez les sinistrés
Publié dans Liberté le 28 - 10 - 2003

Les sinistrés de l'école 1200-Logements de Boumerdès s'en remettent à Dieu.
Les autorités ? Ils n'y croient pas trop.
La joie a déserté le camp. On se surprend à croire les autorités, selon lesquelles les tentes ne devraient plus être là à la fin décembre. Mais, on accepte mal le triste sort. “On vit comme des chiens”, lance, abattue, une femme. Une maman nous invite à visiter sa tente, trop exiguë pour sa famille de six personnes. Une de ses filles, âgée de 14 ans, a été mordue par un rat ! “Elle est traumatisée et, presque chaque nuit, elle fait des cauchemars”, confie-t-elle. L'école 1200-Logements abrite plus de 60 familles. Il y en a qui n'ont pas encore reçu des tentes imperméables pour faire face à l'hiver. Elles gardent un mauvais souvenir des dernières pluies. Leurs tentes ne sont même pas aérées. Une chaleur insupportable y règne quand il y a du soleil.
Des tas de détritus jonchent les abords de ces abris de fortune. Pour le mois de ramadan, les autorités, par le biais du Croissant-Rouge, proposent des denrées alimentaires. Réaction des sinistrés : “Nous voulons des maisons pour nous abriter. Nos enfants sont exposés à toutes sortes de maladies”, déclare avec rage une maman. Les occupants de ce site semblent bien préparés à accueillir ce mois sacré. “Nous ne pouvons pas faire autrement. C'est difficile, mais nous ferons notre chorba avec les moyens du bord”, nous confie un père.
Des cuisines sont aménagées à l'intérieur des tentes. Il y a même ceux qui ont renouvelé les ustensiles de cuisine pour l'occasion. On sent l'odeur de la chorba. Une vieille nous confie qu'elle voulait faire un plat traditionnel (ham lahlou) fait à base de pruneaux et de viande.
Mais, elle n'a pu acheter les pruneaux, car ils étaient très chers et elle a dû les remplacer par des pommes bon marché. “Nous essayons de garder le moral au beau fixe. Nous n'avons rien à faire d'autre”, souligne-t-elle.
Les occupants sont classés en deux catégories. Ils se font appeler les “Rouges” et les “Oranges 3”. Les premiers sont ceux qui doivent bénéficier d'appartement, car leurs bâtisses sont complètement détruites ou sont à démolir. Les seconds, sont ceux qui devraient êtres relogés provisoirement dans des chalets en attendant que les travaux de confortement de leur maison soient terminés. Ils devraient passer entre 18 à 20 mois dans ces chalets pour la plupart. Ces boîtes, comme les qualifient les victimes, sont très petites pour des familles qui comptent de six à dix membres. “Je ne sais pas qui va occuper ces cages. Ça ne va même pas suffire pour contenir mes meubles. Nous sommes dix personnes. Il y a des célibataires qui ont, à eux seuls, obtenu un chalet. L'affectation est faite d'une manière approximative”, fait remarquer un vieux.
Les autorités ont proposé des chalets au niveau de Figuier, mais ont été refusés pour la plupart. Les sinistrés estiment qu'ils ne peuvent pas vivre dans des endroits isolés, où il n'y a même pas de réseaux d'assainissement.
Ils veulent les chalets se trouvant dans une localité, appelée Sablière.
Cette dernière est située entre Figuier et Boumerdès. Par contre, les “Rouges” posent un grave problème s'il venait à se vérifier. Ils accusent le maire de Boumerdès de faire dans le favoritisme concernant l'affectation des appartements. Cela, avec la complicité de M. Chabouni, autoproclamé président d'une commission sociale qui s'occupe de l'affectation de ses logements. Dès qu'ils ont appris notre présence sur les lieux, ils sont venus en grand nombre nous exposer leur peine : “Nous ne savons pas d'où est sortie cette commission. Nous sommes plus de 200 familles et personne n'est représenté.” Nous avons appris que seize locataires sur les vingt du bâtiment 32, situé à la cité des 1200-Logements, ont bénéficié d'appartements.
Le président de cette commission y habitait, ce qui ajoute de l'eau au moulin de ceux qui l'accusent. Ceux-ci, ont, aussi, cité des noms de personnes qui travaillent avec M. Chabouni et qui ont également bénéficié de logements. Une délégation a rencontré le wali, lequel a promis de revoir le mécanisme des affectations. Mais, jusqu'à ce jour, rien n'a été fait et les sinistrés menacent de mener des actions de protestation : “Mon fils, avec beaucoup de jeunes, risquent de commettre l'irréparable et s'il lui arrivait quoi que ce soit, je passerais moi-même à l'acte,” avertit une mère. Les sinistrés semblent perdus et délaissés. On les entend dire : “On remet notre sort à Dieu. On vit comme des animaux. Pour nous, le ramadan (de cette année) n'a aucun sens et, peut-être, l'Aïd non plus.”
M. B.
Le calvaire de huit familles sinistrées à Soustara
Après l'été, le ramadan sous les tentes
Des tentes sont dressées pêle-mêle sur une petite plate-forme située en plein centre du quartier de Soustara. Elles ont été offertes par les scouts ou achetées à la hâte par les sinistrés ; elles ne sont pas montées selon les normes, mais juste érigées pour abriter une quarantaine de citoyens après le séisme du 21 mai dernier. Les 8 familles qui y habitent, occupaient une bâtisse située au numéro 8 de la rue de la mer Rouge.
Datant de l'époque ottomane, l'immeuble menace de s'effondrer à tout moment. Voilà plus de 4 mois que des femmes, des enfants et des personnes malades sont réduits à occuper un camp de toile qu'ils ont eux-mêmes réalisé, sans l'aide des autorités qui continuent à les ignorer. “Nous nous rendons tous les dimanches à la daïra de Bab El-Oued, mais personne ne daigne nous recevoir. Les pompiers nous ont demandé d'évacuer les lieux et aucun responsable n'est venu pour nous aider”, affirme Redouane, un jeune homme de 31 ans, fier de son métier : éboueur. Il insiste sur un fait : “Les familles qui sont sous ces tentes, n'ont besoin que d'un toit”.
Pour le moment, ces familles continuent à se rendre dans la vieille bâtisse distante d'une centaine de mètres, notamment pour utiliser les toilettes. Quelques femmes prennent le risque de décider de préparer à manger dans leurs vieilles cuisines. Saâdia, une femme de 55 ans, refuse de continuer à vivre dans le vieil immeuble. Elle tient à la sécurité de ses enfants. “Je suis veuve et mes enfants sont sous la tente. Je vais préparer le repas dans une heure. Après l'été, nous nous apprêtons à passer le ramadan sous la tente”, affirme cette épouse dont le défunt mari était un employé au journal El Moudjahid. Une cousine à elle intervient pour rappeler que l'été a été très dur sous la tente. “Nous ne voulons rien d'autre qu'une maison salubre. Nous ne réclamons rien d'autre”, soutient Ouardia, une mère de famille sur le point de lancer les préparatifs du repas du premier jour de ramadan. “Nous espérons que nous aurons assez de courage pour tenir le coup”, ajoute-t-elle.
Les habitants de ce “camp illégal” sont amers et ne comprennent pas le silence des responsables qui continuent à faire la sourde oreille. “C'est la première fois que je passerai un ramadan dans ces conditions. Je me demande comment cela va se dérouler. Nous aurons assez de courage, mais jusqu'à quand ?”, s'interroge un homme dont deux enfants sont asthmatiques.
À l'orée du mois sacré, des familles sont livrées à elles-mêmes à Soustara et elles n'attendent qu'un geste de la part des autorités.
S. I.


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