Le Pakistan a ouvertement menacé les Etats-Unis de mettre fin à l'alliance entre les deux pays si Washington continue de l'accuser de soutenir les talibans en Afghanistan. C'est Mme Hina Rabbani Khar, la ministre pakistanaise des Affaires étrangères, nommée à ce poste deux mois plus tôt et remarquée par des médias internationaux pour sa jeunesse et son allure élégante, qui a eu le privilège de frapper vendredi, sur la table sur un sujet qui envenime depuis plusieurs mois les relations entre les deux alliés. La veille à Washington, le plus haut responsable militaire américain, l'amiral Mike Mullen, avait brutalement accusé Islamabad d'exporter, via ses services secrets, la violence en Afghanistan en y soutenant le réseau Haqqani, l'un des groupes les plus actifs au sein du mouvement taliban. Jeudi, devant les sénateurs de la commission de la Défense, l'amiral avait délaissé le langage diplomatique en désignant le réseau Haqqani, proche d'Al-Qaïda, comme le bras armé des services secrets pakistanais, signe de l'exaspération des Américains vis-à-vis du double jeu joué, selon eux, par leur allié pakistanais. Jamais les Etats-Unis, auxquels le Pakistan s'est rallié lorsqu'ils sont envahis l'Afghanistan en rétorsion contre l'attaque le 11 septembre 2001 des deux tours new-yorkaises par Al-Qaïda, n'avaient accusé aussi directement Islamabad. “Nous avons fait passer aux Etats-Unis le message suivant : vous allez perdre un allié. Vous ne pouvez pas vous permettre de vous aliéner le Pakistan. Vous ne pouvez pas vous permettre de vous aliéner le peuple pakistanais”, a averti Mme Khar depuis New York où elle participe à l'Assemblée générale des Nations unies. Pour l'élégante ministre dont le look rappelle Benazir Bhutto, la Première ministre assassinée à Islamabad dans un attentat pas tout à fait élucidé, “toute déclaration publique visant à critiquer ou humilier un allié n'est pas acceptable”, soulignant à l'attention en premier lieu de ses concitoyens que tout le monde doit comprendre clairement que le Pakistan n'est pas dépendant des Etats-Unis militairement ou économiquement. Les Américains versent chaque année au Pakistan plusieurs milliards de dollars d'aide, un apport crucial pour le budget de ce pays très corrompu, en partie déchiré par les violences et en déficit chronique. Mais, Washington estime que le Pakistan instrumentalise clandestinement les réseaux talibans pour défendre ses intérêts stratégiques en Afghanistan et y contrer notamment l'influence de son rival de toujours, l'Inde, alliée de Kaboul aux côté des Etats-Unis.