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Rush sur les marchés
Premier jour de Ramadan dans la capitale
Publié dans Liberté le 28 - 10 - 2003

Les commerçants ont souligné une grande désorganisation et se sont surtout plaints des vendeurs à la sauvette.
“Ramadan avec ses mets, ses senteurs, ses coutumes et ses soirées religieuses et familiales, c'est fini tout cela. Maintenant, c'est le souci de remplir un couffin et ce n'est jamais évident”, nous a déclaré d'emblée une dame accostée à l'entrée du marché Ali-Mellah avant de s'éloigner à pas lents. Elle balançait un couffin vide et tentait, tant bien que mal, de se frayer un chemin dans une marée humaine. Nous la suivons pas à pas, ce qui ne semblait point la contrarier, puisqu'elle continuait à pester : “Voyez par vous-même les prix affichés ! Combien, selon vous, devra me coûter tout le mois, alors que je dois nourrir une famille de plus de six membres ? Il n'y a que leur père qui travaille et c'est à moi de gérer le budget de la maison.”
Un calcul difficile à établir, mais qui fait déjà de cette ménagère une parfaite experte en la matière au vu des prix affichés. Sur les étals sont alignés les fruits et légumes qui, à eux seuls, coûtent déjà cher. Les petits pois à 180 DA, la tomate à 70 DA, la courgette à 80 DA, l'oignon à 35 DA, la pomme de terre à 45 DA, l'ail à 200 DA, le citron à 80 DA, l'aubergine à 60 DA, les carottes à 50 DA et le poivron à 60 DA ne remplissent pas le couffin. La viande reste hors de prix : 540 DA le kg pour la viande de bœuf et 650 DA pour le mouton. Le foie, quant à lui, a atteint les 1 000 DA le kg. Du coup, c'est la ruée vers la viande congelée, à 350 DA.
C'est d'ailleurs là que nous retrouvons cette mère de famille, notre guide de circonstance. Après plus d'une heure et demie de vadrouille dans ce marché, son couffin n'est toujours pas rempli : “Il me faut une table garnie pour ce soir. C'est quand même le premier jour de ramadan. Il faut le faire et tant pis pour les autres jours”, confie-t-elle. Le rayon des viandes fait face au rayon de la volaille.
Des rôtis de dinde, de poulet, en cuisse ou en escalope farcie, de viande hachée trônent avec un habillage très tentant. Les prix sont fixés selon la quantité du rôti et varient entre 220 DA et 390 DA.
Cohue et pickpockets
Ce qui semblait attiser l'engouement des acheteurs échaudés par le prix du poulet à 300 DA le kg. “Je suis une habituée de ce marché, et je peux vous dire qu'entre la journée d'hier et celle d'aujourd'hui, les prix ont changé avec une différence de plus de 20 à 30 DA sur chaque produit”, fait remarquer notre guide qui avait autant de mal que nous d'avancer dans la cohue. Dans la mêlée, les voleurs à la sauvette trouvent leur compte en toute impunité. Hormis les vigiles postés à l'entrée du marché, qui se contentent d'une fouille sommaire des sacs, aucun dispositif sécuritaire particulier n'est visible. Interrogés à ce propos, les marchands soulèvent un tout autre aspect. Unanimement, ils se plaignent d'une certaine désorganisation, mais surtout des vendeurs parasites qui pullulent dans tous les coins. “C'est à cause d'eux que les clients ne peuvent pas circuler à l'aise dans les marchés”, accuse un vendeur et de dénoncer : “Ces jeunes, pour la plupart, ne respectent pas la politique du marché. Ils n'en font qu'à leur tête et cassent nos prix. Où est donc l'autorité ?”
L'autorité semble, malgré tous ses efforts, complètement dépassée comme le fait remarquer son voisin : “Ce matin, au marché de Meissonier, les agents de l'ordre se sont accrochés avec ces vendeurs et ça a failli dégénérer. Ces jeunes ont crié à l'injustice. Ils ne connaissent pas le fonctionnement d'un marché et ne comprennent pas qu'on veille les empêcher de gagner leur vie de cette manière”, a-t-il résumé.
“Nous ne faisons rien de mal, nous essayons de nous débrouiller en l'absence d'opportunités de travail ou de tout autre perspective”, nous dit un jeune qui refuse de nous révéler l'identité de son fournisseur et de ricaner : “ça relève du secret professionnel, ce que je ne dis pas à mon propre ami”, insiste-t-il avant de se remettre à servir des boules de fromage blanc à 240 DA et des paquets de trois boîtes de thon, à 100 DA, qui, selon lui, se vendent comme des petits pains. Un phénomène très répandu aussi au marché de Bachdjerah. Le véritable marché semblait morose devant la prolifération des étals “non officiels” aussi bien à l'intérieur de l'enceinte qu'à l'extérieur, où le marché devient extensible jusqu'à l'extrémité de la cité. C'est d'ailleurs là que nous retrouvons des camionnettes ou des 404 bâchées stationnées en guise d'étal, où s'entremêlent la vente de fruits, de boissons, d'alimentation générale, de produits de nettoyage, de vêtements, de vaisselle à ne plus en finir et ce, sous l'œil bienveillant d'une seule patrouille composée de deux policiers.
La mère de famille que nous avons suivie depuis le départ s'en va avec un panier qu'elle n'est pas — au bout de son périple — arrivée à remplir. Elle s'offre, en l'absence de viande, une livre de rouget à 200 DA sans un regard pour les crevettes, à côté, fixées à 500 DA le kg. “C'est spécialement pour la confection du bourek. Regardez comme elles sont belles”, nous dit-il, mais nous n'avons d'yeux que pour cette dame qui s'éloignait précipitamment comme si elle fuyait quelque chose ou quelqu'un. Elle ne fuyait que sa misère…
N. S.


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