L'artiste qui signe avec University of Gnawa son premier album solo, revient dans cet entretien sur l'élaboration de cet opus, qui se veut un hommage au Tagnaouite, les différents thèmes qui l'interpellent et sur son expérience au sein de l'ONB et aux côtés de Joe Zawinul. Liberté : Comment est né le projet (et l'album), University of Gnawa ? Aziz Sahmaoui : Ce projet est arrivé assez tard, parce qu'auparavant, je m'étais investi dans d'autres formations. Et cela a fait que des morceaux sont nés bien avant l'ONB par exemple, mais qui sont restés et qui ont mûri, puis d'autres plus tard et d'autres plus récemment. C'est un choix je veux dire, c'est arrivé comme ça, c'est arrivé maintenant. Ça aurait pu sortir avant, mais je pense la principale raison était le fait que je me sois investi dans toutes les formations dans lesquelles j'avais joué. Cela a eu un avantage car j'ai pu écrire les textes tranquillement, les corriger. Certains sont arrivés vite, d'autres je les ai corrigés durant toute cette période, et cela a donné University of Gnawa dans la forme actuelle. Mais il y a une évolution sur scène. On cherche à se renouveler sur scène, à chaque fois. Il y a aussi, une invitation à un mélange avec le Sénégal (avec Mbalax sénégalais, avec le groove et les musiciens sénégalais), et cela a contribué à avoir ce son, à avoir ce groove. J'aime cette façon de se renouveler. Je n'aime pas avoir la bonne formule et l'exploiter toute ma vie. Par exemple, avec le titre, Elf Hila, c'était une façon pour moi de dire je suis algérien aussi. Le titre, “Tamtamaki”, qui est une composition, paraît très vieux mais il est récent. Il est dans les couleurs de Tagnaouite avec un côté rock, des guitares électriques au son saturé. J'aime donner de nouvelles couleurs. Pourquoi “university” dans l'intitulé de l'album. Est-ce un hommage au Tagnaouite ? ll C'est pour rendre hommage à Tagnaouite, à la musique des Gnawa ; c'est pour l'embellir. Aujourd'hui, tout le monde s'y intéresse ; il y a beaucoup de musiciens qui s'y intéressent, et on est en train de donner un son convenable digne d'être écouté un peu partout dans le monde. Les fusions aussi contribuent à avoir accès à cette musique. Quand je dis University of Gnawa, c'est parce que la musique gnawa est sortie de la “lila”, du rituel, en partant sur scène, sur les grandes scènes internationales. Et les Gnawa sortent aussi, ils sont un peu partout dans le monde. C'est vrai que cette musique n'était pas écrite, mais maintenant elle l'est. Il y a des textes qui sont écrits, répétés, et il y a des fusions très réussies, d'où Université of Gnawa. Je voulais rendre hommage au Tagnaouite et l'élever à un autre rang. Elle est toujours belle, toujours mystique, spirituelle mais autrefois, c'était la musique des pauvres. Avant, le gnaoui c'était un pauvre qui faisait “Krima”, c'est-à-dire qu'il jouait dans les rues pour vivre et acheter le sacrifice. Maintenant, ils roulent en Mercedes (rires). Cela a beaucoup évolué. Encore une fois, University of Gnawa, c'est pour rendre hommage au tagnaouite. Nous sommes dans cette école, une université d'où cette recherche. Ça se développe, ça n'arrête pas d'évoluer. Tout au long de votre parcours, il y a eu plusieurs collaborations avec des artistes de renoms, mais il y a deux expériences marquantes : l'ONB et Joe Zawinul… Au sein de l'ONB, nous nous sommes retrouvés dans notre langage, notre culture maghrébine. Nous sommes avons communiqués avec ce langage. Il y a eu une évolution, un travail, une expérience. Nous avons tourné pendant presque cinq ans, à travers le monde. Certainement, dans ces voyages, il y a eu un fruit, car c'était une terre fertile qui a donné beaucoup de belles choses. C'était carrément un style l'ONB. Quand nous sommes arrivés en 1995, cela a révolutionné tous les autres genres. C'était quelque chose de très fort, tout le monde s'intéressait à ce que faisait l'ONB, les salles étaient pleines, c'était complet bien avant les spectacles un peu partout dans le monde. Une très belle expérience. Puis par la suite, il y a eu Maghreb and friends, puis Joe Zawinul. Et encore une fois, c'était par le biais du langage de notre culture, la musique maghrébine. Joe Zawinul, c'était quelqu'un qui saluait la beauté de la musique, qui était au service de la musique. Cette expérience c'était juste un langage pour se mélanger musicalement à d'autres musiciens, d'autres musiques. Dans l'album et bien que les morceaux soient rythmés, on dénote dans les textes une certaine forme de tristesse. Êtes-vous interpellé par ce qui vous entoure ? Je suis très sensible à ce qui m'entoure, la vie, la naissance, le départ, l'au-delà, etc. Je suis très sensible à cela ! Chaque morceau dans l'album a vraiment une histoire particulière et propre à lui, d'où cette tristesse peut-être. Mais des fois, ce sont des tristesses ou des joies sans raison, juste une ivresse d'amour qui parle, une situation qui créée un mot ou un texte. Cela provient et surgit de nous-mêmes, et de la réalité avec le côté rêveur – je suis un rêveur aussi. Invité par le Centre culturel français d'Alger, Aziz Sahmaoui se produira jeudi soir à 19h à la salle Cosmos de Riadh El-Feth. Prix du billet : 200 DA.