La dernière tripartite a finalement convenu, à juste titre, d'augmenter le SNMG à 18 000 DA. Ce qui aura pour effet le versement de revenus supplémentaires aux salariés, consommateurs par ailleurs de biens et de services. Mais la tripartite ayant fait l'impasse sur l'examen du secteur commercial, je reste persuadé qu'une partie de ces revenus sera plus captée par les rentes commerciales formelles et informelles que rognée par l'inflation. C'est pour cela que je comprends, pour ma part, la frustration exprimée par l'Union générale des commerçants et artisans algériens(UGCAA) de n'avoir pas été conviée à la tripartite qui de plus n'a pas inscrit à son ordre du jour “la problématique du marché parallèle”. Voyons d'abord quelques éléments importants caractérisant l'état des lieux. L'UGCAA, qui est bien placée pour le savoir, indique que 40% du circuit de distribution est hors de contrôle des banques et des services fiscaux. D'autres sources relèvent que 80% de certains articles commercialisés, sous une forme ou une autre, sont contrefaits. Cela concerne aussi bien les cosmétiques, les pièces de rechange, les vêtements et les produits agroalimentaires. Autre élément les supermarchés ne couvrent en Algérie que moins de 3% de la distribution nationale, à l'instar du niveau médiocre des exportations hors hydrocarbures. L'essentiel des produits distribués est pris en charge par le secteur informel et les commerces traditionnels de proximité y compris les superettes. Plus en amont les mesures les plus importantes, prises puis reportées par les pouvoirs publics, portant sur la formalisation de l'activité des importateurs et des grossistes sont encore en stand by. Premier élément de solution avancé par certains : la franchise comme alternative significative à l'informel et à la contrefaçon. Cette proposition me parait problématique. Pour ma part je note trois contraintes et je formule une réserve. D'abord le code de commerce algérien qui organise notamment la fonction commerciale est obsolète comme chacun sait. Il n'y est fait aucune référence explicite à la franchise, rendant compliqué son exercice ; alors qu'en Tunisie une loi spécifique, réglementant notamment le transfert des royalties, a été promulguée en 2009. Précisément le transfert des royalties reste encore chez nous dans une zone non réglementée source de problèmes potentiels. Ce qui a occasionné le départ de certains franchiseurs. De plus ces derniers considèrent les taxes douanières comme élevées. S'agissant dans la plupart des cas de produits de consommations et même de luxe les taxes douanières sont de 30% au minimum et je vois mal des exceptions accordées pour ce type d'importations. Enfin troisième contrainte, le coût élevé du foncier et du collectif s'agissant en général d'une domiciliation de prestige. La réserve que je formule est plus fondamentale. Elle est relative à la raison économique pour laquelle on accorderait aujourd'hui une priorité et des avantages à ce type de pénétration commerciale sachant que le marché algérien est libre. Car finalement, on ouvrirait des niches spécifiques de marché à des exportateurs étrangers qui ne prennent aucun risque d'investissement et qui bénéficient en retour d'une prime supplémentaire récurrente.En revanche je considère, qu'il faudrait commencer à soutenir les franchiseurs locaux qui, industriels en amont, déploient un réseau de franchisés sur le territoire national. Pour autant la taille et la solvabilité du marché algérien, caractérisé par ailleurs par un modèle de consommation moderne voire « occidental », intéressent toujours le secteur multinational de la grande distribution. L'explosion du marché automobile et celui de la téléphonie mobile illustrent particulièrement cet aspect. Cela n'a pas échappé aux analystes de marché. Ainsi le cabinet AT KEARNEY qui publie régulièrement dans son rapport annuel un index international comparatif : le « Global Retail Development Index » (GRDI), s'intéresse à l'Algérie. Le GRDI classe les pays à potentiels émergents en matière de marché de distribution, sachant que les pays développés sont saturés (marchés matures). Ainsi l'Algérie y est bien classée(11ième) même si elle a perdu dix places dans l'index 2010 suite aux mesures prises sur les IDE et les importations. Les changements en cours dans les pays arabes concernés qui ont induit de graves incertitudes économiques pour ces derniers auront sans doute un impact appréciable sur le marché algérien si certaines mesures transitoires inadaptées sont corrigées avec pragmatisme. Cet intérêt rencontre les besoins urgents de mise en place, d'organisation et de mise en ordre de nos différents marchés. L'inexistence de réseaux concurrentiels de grandes surfaces et de marchés de gros et de détail de fruits et légumes, la non traçabilité des produits vendus par les grossistes et la prolifération des commerces de détail et de points de vente informels fixes et mobiles créent des conditions de danger sanitaire et de captages de rentes indues. L'ouverture, l'année dernière, du Centre commercial et de loisirs de Bab Ezzouar et récemment celle d'une grande surface commerciale à Bouira sont des acquis palpables mais insuffisants face à l'ampleur des besoins territoriaux. Il faudrait aller plus vite partout avec ou sans de grandes marques internationales de distribution. Importer pour importer autant mieux acheter et mieux distribuer en attendant que la production nationale prenne sa part. Concluons par l'impératif des réformes qui est l'une des clés à nos problèmes économiques. Ainsi, en ces temps difficiles de forte demande de changement politique, économique et social le chantier de la modernisation et de l'efficacité commerciale doit avoir la priorité du fait de son impact sur le vécu du citoyen. Une tripartite spécifique à la problématique de l'organisation des marchés, y compris l'informel, est plus que souhaitable. Ouverte au segment de la société civile concerné notamment les associations de consommateurs, elle deviendrait plus pertinente. Mais est-on prêt à transformer, pour un exercice au moins, la tripartite en « quadripartite ». Je ne le crois pas parce que la démocratie participative n'a pas encore gagné sa place comme un des mécanismes, même subsidiaire, de gestion de la cité. Je m'en suis aperçu lors des rencontres du Conseil national économique et social (CNES), sur saisine du Président de la République, portant sur le développement local tenues avec la société civile de différents territoires. Mais le combat est engagé. Il faudra aller jusqu'au bout. M. M.