RESUME : Krimo avait cru que la chance lui souriait en travaillant comme homme de confiance, chez un privé. Il ignorait qu'il mettait sa vie en danger jusqu'à ce que cela arrive. Il s'enfuit de l'hôpital et alla en Allemagne où il avait un cousin qui acceptait de l'aider… 3eme partie Rédha lui trouva un petit boulot. Au bout de quelques mois, il vit sa situation régularisée. En ayant les papiers en règle, il loua une chambre dans un foyer où il y avait des Turcs et des Yougoslaves. Il aurait préféré vivre avec des gens originaires du pays, du Maroc ou de Tunisie. Il ne se serait pas senti aussi étranger parmi ces gens que n'unissaient ni la langue ni la religion. Krimo voyait rarement son cousin qui résidait dans une autre ville. Comme il vivait dans un petit appartement et que sa famille était nombreuse, il avait choisi de partir avant de se sentir de trop. Rédha ne pouvait pas faire plus pour lui ; il l'avait hébergé malgré l'exiguïté de son appartement et lui avait débrouillé un travail dans une manufacture de chaussures. Cela ne lui rapportait pas beaucoup, juste de quoi vivre. Il ne resta qu'un pas à franchir pour être dans la misère. Le peu d'argent économisé servait aux soins. Krimo avait fréquemment de la fièvre, elle le minait. Il n'avait plus aucune force, aucun courage. Dès lors, il ne vécut plus que dans l'espoir de retourner en Algérie ; mais pour rentrer, il fallait beaucoup d'argent et il n'en avait pas. Quinze ans ! Quinze ans de rêves et d'espoirs et de regrets, en plus de la douleur d'avoir appris la mort de sa mère. À la longue, son cousin Rédha lui donna de quoi se payer un billet d'avion. À Alger, il retrouva avec ivresse, tristesse et peine le petit appartement où il avait vécu avec sa mère, ses costumes qu'elle avait elle-même confectionnés et qui étaient devenus trop petits, son ambition déçue d'étudiant pauvre. Il retrouva aussi Port Saïd, ce chaleureux printemps. Krimo avait conscience de tas de choses. Il avait trente-cinq ans. La vie ne s'était pas arrêtée à ses échecs. Il était soulagé et heureux d'être là. Il savait que ce serait difficile de se faire une place ici mais il tiendrait le coup. Il le fallait… Le jeune homme était allé au cimetière où était enterrée sa mère Keltoum. Il passa près d'une demi-heure à enlever les mauvaises herbes qui avaient grimpé sur la tombe. Il planta des immortelles, et une fois satisfait du travail accompli, il s'assit, à genoux. Il posa son front sur le bord de la tombe à l'endroit où devait se trouver la main de sa défunte mère. Il pleura longtemps. Au début, il n'avait ressenti qu'un pincement au cœur. Maintenant, il avait l'impression qu'une main invisible avait saisi son cœur et qu'elle voulait l'étouffer. Il souffrait. Sa mère était restée dans sa misère, elle l'avait supportée durant toute sa vie, particulièrement pour lui. Elle s'était privée pour qu'il mange à sa faim, pour qu'il ne manque de rien. Elle avait usé ses yeux en travaillant tard la nuit. Tout était pour lui, la bonne nourriture, les beaux habits qu'elle confectionnait. Elle ne se soignait jamais. Le seul, à ses yeux, à avoir droit aux soins d'un médecin, c'était lui, son unique enfant, ce trésor de chair et d'os. Le cœur serré, il se rappelle que pour qu'il puisse aller en colonie de vacances, elle avait confectionné de nombreuses robes gratuitement pour la famille du directeur du centre quand il eut l'idée de l'emmener. Que n'avait-elle pas fait pour lui ? Que n'aurait-elle pas fait pour qu'il soit heureux ? Krimo avait très mal. Elle avait quitté ce bas monde dans la solitude et la misère. Il n'avait pas pu tenir ses promesses. Il ne l'avait pas rendue riche ni heureuse. Il n'avait rien pu lui rendre. Il n'avait pas peiné pour elle, ne serait-ce une heure. Il n'avait pas pu la soulager. Elle avait toujours refusé qu'il l'aide, lui demandant de s'adonner entièrement à ses études, et que c'est dans ses réussites qu'elle trouvait sa récompense. Elle avait toujours souhaité qu'il devienne avocat et qu'il n'eut jamais à connaître le besoin et la maladie. Elle avait cru que ses rêves seraient réalité quand il eut son bac et qu'il entra à l'université. Il allait étudier le droit. Il serait cet avocat dont elle avait toujours rêvé. Elle terminerait ses jours tranquilles. Elle broderait les robes de celle qu'il voudra pour femme. Ce ne serait pas elle qui la choisirait mais lui. Il rencontrerait certainement la femme de sa vie à l'université. Elle serait peut-être elle aussi avocate ou médecin. Ils se fréquenteront avant le mariage. Ils seront heureux. Et elle aussi, avec eux… Mais si les choses se passèrent en grande partie ainsi, Krimo ne put se fiancer avec l'élue de son cœur Ferroudja. (À suivre) A. K.