Très loin des progrès attendus et annoncés au cours des dernières années, les performances du secteur des assurances sont, depuis maintenant près de 18 mois, particulièrement médiocres et plombées par les résultats des compagnies publiques, tandis que seules les compagnies privées parviennent à tirer leur épingle du jeu. Voici quelques jours, le P-DG de la SAA, M. Latrous Lamara, qui préside également aux destinées de l'Union des assureurs algériens (UAR) et qui capitalise aujourd'hui près de 50 années d'expérience dans la profession, commentait pour une chaîne de la Radio nationale les résultats du secteur au titre de l'année 2010. Un exercice difficile. Le président de l'UAR se réjouit tout d'abord des résultats financiers enregistrés par les compagnies algériennes, qu'il évalue globalement à plus de 7 milliards de dinars en 2010.Il corrige, en outre, les chiffres publiés par le Conseil national des assurances (CNA) en annonçant un chiffre d'affaires de près de 82 milliards de dinars et un taux de croissance de 6% en 2010 (contre 81 milliards et seulement 4% de croissance selon le CNA). Les efforts de communication déployés par M. Latrous ne permettent cependant pas de masquer le fait que les performances du secteur en 2010 correspondent, compte tenu de l'inflation, à une quasi-stagnation de l'activité. Ils contrastent avec le taux de 12% annoncé en 2009, qui avait pu faire croire que le secteur des assurances se situait sur une dynamique positive. Le plus inquiétant est que les premiers résultats connus en 2011, qui concernent le premier trimestre, prolongent la tendance de 2010. Le dernier rapport de conjoncture du CNA, publié au cours de l'été dernier, annonce carrément une baisse de l'activité de 2% par rapport à la même période de l'année dernière. En réalité le secteur algérien des assurances connaît aujourd'hui une accentuation de ses déséquilibres, et ce sont quasiment tous les voyants qui sont passés au rouge dans la période récente. Les “performances” de la branche auto La modeste croissance enregistrée en 2010 est imputable, pour l'essentiel, à la branche automobile, dont le chiffre d'affaires est en hausse de plus de 12 % et représentait l'année dernière près de la moitié de l'activité des assurances algériennes. Le CNA commente lucidement cette évolution : “Le parc automobile de plus en plus jeune, incitant à la souscription aux garanties dommages, explique cette évolution de l'assurance automobile, qui s'est réalisée malgré la suppression des crédits à la consommation intervenue en 2009.” Une tendance confirmée au premier trimestre 2011 avec une croissance de près de 8% du chiffre d'affaires de la branche auto, qui représente désormais près de 55% de l'activité globale. On est très loin de la diversification souhaitée par les autorités financières algériennes et on assiste, au contraire, à un processus de renforcement de la spécialisation du secteur. Si la branche auto apparaît plus que jamais comme la locomotive du secteur des assurances, ses performances récentes doivent malheureusement être relativisées du fait qu'elles reposent non seulement sur l'accroissement du parc auto mais aussi sur une augmentation des tarifs de 20% en 2 ans négociée entre les compagnies et les pouvoirs publics. La formule a si bien marché qu'elle a donné des idées aux compagnies, qui sont sur le point de formuler une nouvelle demande d'augmentation. C'est ce que confirmait la semaine dernière M. Latrous en évoquant “la présentation prochaine, dans le cadre de l'UAR, d'un dossier pour solliciter une nouvelle augmentation des tarifs des assurances automobiles obligatoires dans le but d'assurer l'équilibre financier global de la branche auto.” L'impact du “ralentissement des projets d'investissement” “Comment voulez-vous que l'assurance se développe s'il n'y a pas d'investissement ?” L'auteur de ce véritable cri du cœur est encore le président de l'UAR, qui observe depuis plus d'un an et demi la dégradation de la production des branches liées à l'investissement des entreprises. Ces dernières traversent en effet une passe difficile, avec une baisse de près de 8% enregistré en 2010 par les risques industriels qui contribuent à environ 30% du chiffre d'affaires des assurances algériennes. Le Conseil national des assurances attribue cette baisse importante au “ralentissement des grands projets d'investissement initiés par les pouvoirs publics et, par conséquent, à la baisse de leur apport en primes, notamment dans le domaine de la construction. La régression de la production de la branche trouverait également son explication dans la baisse des tarifs issue du jeu de la concurrence entre sociétés.” Le CNA relève une évolution comparable dans le domaine des assurances de transport où la baisse de 4,4% enregistrée en 2010 est liée à “la régression du chiffre d'affaires de l'assurance ‘transport maritime', qui s'explique en partie par l'impact du ralentissement des grands projets d'investissement sur l'importation des équipements et marchandises en rapport avec ces grands chantiers.” Les soucis de M. Latrous ne sont sans doute pas terminés puisqu'au premier trimestre 2011 la régression de l'activité des 2 branches s'est encore accentuée de façon spectaculaire avec une baisse de 13% pour les risques industriels et de plus de 27 % pour les assurances de transport. La seule bonne nouvelle dans ce tableau, aux couleurs très sombres, est constituée par l'évolution favorable des assurances de personnes dont le chiffre d'affaires est en hausse de plus de 25%, avec environ 1,5 milliard de dinars et près de 9% de part de marché en 2010.Une augmentation qui s'est néanmoins ralentie fortement au premier semestre 2011 puisque le taux de croissance de la branche n'est plus que de 3%. La percée confirmée des compagnies privées Les contre-performances récentes des assurances algériennes n'empêchent pas les compagnies privées de faire de bonnes affaires et de continuer à augmenter régulièrement leur part de marché. La suppression du monopole de l'Etat dès 1995 a principalement profité à un petit nombre de compagnies privées qui ont manifesté un certain dynamisme en élargissant la gamme des produits offerts à la clientèle et en pratiquant une sévère concurrence sur les tarifs. Avec un chiffre d'affaires de 20,4 milliards de dinars en 2010, en hausse de 12,5% comparativement à l'année 2009, les sociétés d'assurance à capitaux privés ont réalisé 25,3% de la production totale du marché. Il est à noter que 61% de ce chiffre d'affaires sont détenus par l'assurance automobile concentrée dans le segment particulièrement rentable des garanties facultatives. Dans ce dernier domaine, les compagnies privées détiennent près d'un tiers du marché. La percée des compagnies privées semble, en outre, se confirmer et s'accélérer en 2011.Au premier trimestre leur chiffre d'affaires est de nouveau en forte hausse et dépasse 7 milliards de dinars. Leur part de marché est désormais proche de 30%, tandis qu'elles font quasiment jeu égal avec les compagnies publiques dans le domaine à fort potentiel et en développement rapide des assurances de personnes. H. H.