Bush a beau les minimiser, les attentats contre sa présence en Irak prennent l'allure d'une résistance organisée qui a tout l'air de durer. Abattre un hélicoptère au-dessus de Bagdad nécessite un savoir-faire et un réseau de soutien solide, ce qui remet en cause toute la stratégie élaborée par la fine fleur du Pentagone. Rumsfeld, son secrétaire d'Etat à la défense, ne sait plus où donner de la tête. Le rythme des attentats anti-américains s'est emballé ces dernières semaines et personne chez les Américains n'est capable de dire avec certitude qui en est l'auteur. Paul Wolfowitz, numéro deux du Pentagone, concepteur de la fumeuse théorie des dominos selon laquelle l'Irak devait sonner le glas de tous les régimes despotiques de la région, a échappé de justesse à la bombe qui a explosé le premier jour du ramadan dans l'hôtel Al Rachid où officiait, jusqu'à la chute du régime sadamiste, le célèbre propagandiste de Saddam dont finalement les grossières prémonitions ont l'air de voir le jour. À la paix promise, succède une guerre sans visage. Les incessants appels de Saddam au djihad par tous les moyens appropriés et ses menaces contre les collaborateurs irakiens, ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd. À ces propres éléments opérant entre sa ville natale (Tikrit) et le fief des islamistes sunnites (Faludja), se sont adjoints des activistes islamistes venus d'ailleurs pour le djihad et des chiites, dont les radicaux, rejetant la potion américaine, veulent voir s'établir en Irak une république des ayatollahs, à l'image de l'Iran. Saddam Hussein, l'as de pique du fameux jeu de cartes irakien, fabriqué par la Maison-Blanche, court toujours, s'attribuant tous les actes de résistance sous les yeux tétanisés de 140 000 Gis, d'une cinquantaine de milliers de soldats britanniques et d'un nombre équivalent de supplétifs australiens, espagnols, polonais et turcs. Aux Etats-Unis, les démocrates se frottent les mains, espérant que Bush connaîtra le même sort que son père. Vainqueur de Saddam en 1991, ce dernier s'est incliné devant le démocrate B. Clinton, faute d'avoir géré convenablement l'après-guerre. Bush fils a beau s'enorgueillir d'une croissance inégalée depuis une vingtaine d'années ( 7,5%), l'Amérique est de moins en moins encline à avaler ses couleuvres. Les Américains se demandent aujourd'hui pourquoi Bush les a entraînés dans cette galère. Au lieu de la paix, la guerre contre Saddam les a replongés dans le syndrome du Vietnam. Bush s'est encore juré de le capturer, intimant l'ordre à la CIA de le trouver dans les plus brefs délais. Paul Bremer, l'administrateur de l'Irak, aux prises avec les réalités du terrain, promet d'impliquer davantage les Irakiens dans la gestion de leur pays. Sa priorité est, semble-t-il, de remettre en selle une armée nationale pour rétablir, un tant soit peu, l'équilibre. Les va-t-en en guerre US se sont rendus compte de l'erreur qu'ils ont commise en laissant en électrons libres les quelques `500 000 soldats de Saddam. De même qu'ils sollicitent aujourd'hui l'Onu qu'ils avaient voulu transformer en une simple machine humanitaire. Dans la région, les pays frontaliers de l'Irak sont eux aussi mis à contribution. Arabie Saoudite, Koweït, Jordanie, Egypte et Syrie se sont réunis à Damas, Bush veut les voir s'engager dans une lutte sans merci contre les soutiens de Saddam, notamment les islamistes pour qui Bagdad est une aubaine. Les régimes de ces pays partagent également la peur d'un débordement du climat d'insécurité qui règne à Bagdad. Ce n'est pas suffisant. D. B.