Aux islamistes libyens, Belmokhtar demande de ne pas rendre les armes qui “sont leur fierté et la garantie de leur sécurité”. Finalement, le secret sur la destination des armes disparues en Libye est levé. Du moins en partie. Mokhtar Belmokhtar vient de révéler, par le biais d'un entretien à l'agence de presse mauritanienne, une exclusivité pour ce chef terroriste qui s'est spécialisé dans les prises d'otages occidentaux, que l'Aqmi s'est procurée, “tout naturellement”, des armes en provenance de Libye. Ce qui confirme les inquiétudes des pays voisins dont l'Algérie ainsi que les déclarations d'officiels américains qui ont fait état de disparition d'armes lourdes notamment des missiles sol-air. Non seulement Belmokhtar tente à travers cette sortie de se placer en tant que force capable de changer les choses dans la région du Maghreb, mais prodigue des conseils à ses semblables qui détiennent un grand pouvoir de décision au sein des nouvelles autorités libyennes. Pour de prétendues relations avec la mouvance islamiste libyenne, le chef d'Aqmi s'autorise ainsi une ingérence dans les affaires de ce pays au moment où ces mêmes islamistes, libérés d'El-Kadhafi, s'apprêtent à ouvrir une nouvelle page politique en intégrant sous forme de partis la scène politique en acceptant les règles démocratiques. À ces islamistes, Belmokhtar demande de ne pas rendre les armes qui “sont leur fierté et la garantie de leur sécurité”. Position qu'a défendue de son côté Abderrahim El-Kib, chef du gouvernement provisoire, qui dit comprendre “les révolutionnaires” qui veulent à travers cette attitude “préserver leur révolution”. Une concession aux islamistes, qui représentent une sérieuse menace, assortie d'un refus de bases militaires étrangères sur le sol libyen ainsi que des sociétés privées de sécurité. Les islamistes n'ont pas attendu pour avancer leurs pions dans le nouvel échiquier qui se dessine. Premier acquis, l'instauration de la charia et sa constitutionnalisation alors que le gouvernement, malgré la large consultation, s'achemine vers une coloration islamiste. D'où cet affrontement en sourdine entre les factions islamistes et les laïcs. Pour l'instant, le différend est autour du rôle à venir du Qatar. Pour les islamistes, particulièrement Ali Esalabi, le Qatar a été d'un important apport à la révolution. Il défend ce petit pays du Golfe et dément qu'il ait des intentions “hégémoniques” en Libye. Position naturellement compréhensible puisque le nouveau révolutionnaire résidait au Qatar avant la crise dans son pays. Ceux considérés comme étant des laïcs estiment que le rôle du Qatar est terminé. Ali Tarhouni du CNT, Cheklem le représentant de la Libye à l'ONU ou encore Djibril soupçonnent le Qatar de vouloir aller au-delà de son rôle de soutien à la révolution, de vouloir exercer une sorte de tutorat sur la nouvelle Libye. Cheklem a été le plus véhément avec le Qatar dont il estime les intentions de participation à la reconstruction comme “une chimère”. Il a minimisé son rôle en révélant que ce sont les forces spéciales britanniques et françaises qui ont fait le “boulot” et refuse catégoriquement désormais sa présence en Libye. De son côté, Djibril affirme que le Qatar soutient quelques fractions, sans en dire plus. Reconnaissant son apport à la révolution, mais Djibril déclare que le Qatar qui veut jouer plus que son rôle “n'a pas les capacités” tout en le soupçonnant de vouloir “diriger la région”. Et en attendant, ce sont les islamistes et les terroristes d'Aqmi surtout qui profitent du désordre libyen. Belmokhtar a bien su tirer profit de cette situation. Il reconnaît d'ailleurs qu'ils (les terroristes) sont les premiers bénéficiaires de la révolution libyenne. Et entre les ambitions des islamistes qui tentent comme Esalabi de ménager ses troupes et les Occidentaux à travers l'acceptation des laïcs et les tenants du courant moderniste et laïcs la bataille ne fait que commencer. Premiers accrocs, le rôle du Qatar et ses intentions et les armes en circulation. Les islamistes ont clairement choisi. Et Aqmi pourrait encore une fois tirer des dividendes. Djilali B.