RéSUMé : Karim est anéanti en épiant cette conversation téléphonique entre sa tante et son père, où cette dernière médisait ce premier, le percevant tel une “bouche de plus à nourrir''. Décidé, il annonce à sa tante son désir soudain de revoir son père, et ainsi quitter la maison qui l'a accueilli aimablement mais ne le force pas à partir explicitement. Sa tante, étonnée, essaie de le retenir en tentant de trouver la raison de ce changement de comportement soudain... Néanmoins, je décide de lui répondre clairement en évitant de trop en dire : - Non, je suis le même Karim du premier jour, l'enfant de six ans qui croit naïvement que la famille est ce qu'il y a de plus sacré et de cher au monde. - Karim… tu es certain que tu n'as rien à me révéler ? - Ma tante, on ne m'a rien dit de désobligeant ! Mon seul souhait : revoir mon père. Maintenant que je suis un homme, je peux rester à la maison quand il est au travail, ça ne me dérange pas de demeurer tout seul, je peux me débrouiller. - Tu ne peux pas partir ! lance ma tante, énervée. - Pourquoi ? J'ai le droit de retourner chez moi. - Non, tu es chez toi ! - Comment ? Ma tante… je vous remercie pour le bonheur que vous m'avez prodigué, plus que je n'aurais espéré en recevoir, mais comprenez-moi ! Je dois partir. - Et les filles tu y as pensé ? Elles se sentiront tristes si tu t'en vas comme ça, du jour au lendemain. Reste pour la semaine au moins ! - Je leur dirai au revoir et leur expliquerai. Pourquoi retarder l'échéance ? Et j'y ai réfléchi amplement, je ferais mieux de m'en aller aujourd'hui. Demain c'est le premier jour du week-end, ça me laissera le temps pour m'installer. - Je suis certaine que Ryma et Narimène seront peinées, cependant Donya va être déboussolée, tu comptes beaucoup pour elle. Ce que me disait ma tante était certainement ce qui allait arriver, mais je ne pouvais lui pardonner cette légèreté dans les mots, qui me conduit à me sentir rejeté par cette même famille. Je monte dans ma chambre et prépare mes affaires. Ma tante me rejoint pour me demander si elle pouvait m'aider, je lui ai répondu que j'allais me débrouiller seul, puis elle a suggéré : - Je vais prévenir ton père que tu ne veux plus vivre chez nous et que tu préfères qu'il vienne te chercher demain. - Non ! Je veux partir cet après-midi, si ça ne vous dérange pas, ma tante. - Mais… Karim, mon fils, tu es sûr que ce n'est pas quelque chose que l'on aurait fait ou dit qui t'incite à fuir ? Tu devrais me le dire, si quelque chose te trouble mon petit. Je ne peux pas te laisser franchir le seuil de la porte le cœur lourd... Dis-moi ce qui te préoccupe. Je gardais mes révélations pour moi, je ne voulais plus l'écouter me sermonner ou essayer de me consoler sans que je n'aie ce sentiment de fardeau qui pèse sur mes épaules, et ne manque à me rappeler combien le monde me rejette. Je savais que si je lui disais la vérité, elle me retiendrait de force et m'inventerait un beau mensonge qui me charmera et éloignera mes doutes pour un temps, mais cela n'est point concevable ! J'abhorre les faux-semblants, les messes basses ou bien les sous-entendus blessants, je ne voulais pas haïr ma tante, je préférais préserver l'image que j'avais d'elle intacte dans mon esprit, que j'efface ce terrible moment de ma mémoire, que celle qui me prit la main quand ma mère s'en est allée reste l'idéale et parfaite conception maternelle que je chérissais. Mon père, au téléphone, me questionne sur les raisons qui me poussent à vouloir réintégrer la demeure, sachant que, depuis tout ce temps, je n'ai pas cherché à lui parler ni même à lui rendre visite. Seulement aujourd'hui, mon comportement a changé, telle une évasion, je devais quitter la maison de ma tante au plus vite, comme un voleur, évitant de rester sur les lieux de la tragédie. J'espère partir sans animer les souvenirs mélancoliques dans les yeux de mes cousines, que les larmes s'abstiennent d'énoncer la morosité d'un au revoir. Il est presque midi, ma cousine Ryma rentre du lycée, elle remarque les valises à la porte, s'en soucie guère et se dirige vers la cuisine, prend son déjeuner et s'enferme dans sa chambre. Quelques minutes plus tard, c'est Nima qui arrive, elle parle à Farah, puis monte les escaliers à la hâte et constate que ce que sa mère lui avait exposé était la pure vérité et essaye de me retenir en me suppliant, en vain : - Ne t'en vas pas Karim, je vais être plus gentille, je vais arrêter de jouer sur mon ordinateur toute seule dans ma chambre et je viendrai te parler plus souvent ! Alors ne précipite pas les choses, papa ne serait pas content que tu t'en ailles comme ça, alors qu'il n'est même pas là ! Maintenant qu'elle y fait référence, son père ne s'est jamais plaint de ma présence et avait toujours le mot qui rassurait. Il n'est pas de mon sang et il reste magnanime, au grand cœur, cependant je lui dois beaucoup et compte le remercier plus tard. Mon père arrive en voiture, il se gare rapidement et va directement parler à sa sœur. Prévenu de sa présence, je descendais l'escalier avec un dernier bagage en main, quand j'écoutais de la cuisine mon paternel se quereller avec ma tante. Je me retiens de les interrompre, tant les reproches me mortifiaient : - Ce n'est pas possible Farah, je t'ai dit que j'allais t'envoyer de l'argent avant la fin de la semaine. Pourquoi est-ce que tu le chasses de la maison ? Tu es sans vergogne ! (À suivre) H. B.