RéSUMé : Karim se trouve un but dans la vie : sauvegarder l'innocence de sa jeune cousine Donya et la préserver de toute déception. Il découvre sa chambre et est conforté en remarquant la prépondérance d'objets lumineux, lui qui souffrait d'achluophobie. En regardant la télévision, il reste choqué, troublé, puis amusé par les images et sons qui s'animent en harmonie… Le déjeuner est enfin servi, mes cousines prêtes à faire ma connaissance et aussi aller à l'école bien sûr. Autour d'une table où elles étaient assises, ma tante me présente avec un grand sourire et une excitation non dissimulée — elle n'arrêtait pas de dire “je n'arrive pas à le croire, mon petit neveu ici !” entre chaque phrase. Elle leur dit : “Mes filles, voici le trognon Karim, votre gentil cousin. Il va vivre avec nous pendant quelques mois.” Son doux regard se figea sur ses filles d'un ton menaçant, terrifiant. “Celle qui le dérangera ou dira rien qu'un petit mot déplacé ou chagrinera son petit cœur tout rikiki aura affaire à moi ! Compris les filles ?” Mes trois cousines n'écoutant qu'à moitié répétèrent machinalement, favorables à la requête de leur mère, mais celle-ci hurle sur elles et leur ordonne à chacune de répéter ce qu'elle venait de leur énoncer, ce qu'elles firent à mon grand désarroi et malaise. Plus tard, je découvris que ma tante leur répétait cette phrase des jours durant avant que je ne vienne habiter chez eux, ce qui les laissèrent plus qu'averties. Je vais moi-même vous donner le nom de mes cousines et vous parler un peu d'elles. Il y a tout d'abord la plus grande de la famille : la plus jolie, l'éternelle coquette, la toute douce Djamila, le portrait de sa mère quand cette dernière était plus jeune. Djamila est une maniaco-dépressive, stressée et toujours en retard même quand elle se lève tôt. Un exemple : un jour, elle décide de ranger ses vêtements par couleur. Peu de temps après, elle change d'avis et décide de les classer par occasion. étant satisfaite pendant un court moment, elle sombre dans la déprime et maudit ses petites manies qui lui noircissent le paysage qu'elle essaie de dessiner parfaitement. Elle a vingt-quatre ans et doit épouser, dans moins d'un an, son bel ami d'enfance, leur voisin, qui a beaucoup de chance et surtout énormément d'aplomb et de bravoure pour supporter les larmoiements de ma cousine et ses sautes d'humeur fréquentes. Elle prépare son mariage depuis qu'elle a six ans. Le jour où elle a acheté sa première poupée avec le kit maison, jardin et cuisine, elle a décidé que son rêve était de devenir femme au foyer. Que les parents prennent garde aux jouets qu'ils offrent à leurs enfants, ça pourrait leur donner des idées ! La deuxième de la famille, Narimène, qu'on appelle familièrement Nima : 19 ans, dynamique, elle adore plaisanter. Son sourire ne se laisse jamais griser, son passe-temps favori est de jouer aux jeux vidéo, parler à ses amis du monde virtuel, converser avec ses vrais amis mais sur internet. Elle ne sort pratiquement jamais de la maison. Sa chambre est son château-fort et n'aime pas quand on la dérange, surtout quand l'avenir du monde des mages repose sur elle ! Enfin, Ryma, 13 ans, dont je ne saurais vous parler, car tout ce qu'elle fait c'est manger, boire, étudier, dormir. “La routine est ma manière de concevoir ma vie. Sans imprévu, on ne peut être surpris, et sans surprises on ne peut être déçu”, me lâcha-t-elle à la figure, un jour où je lui ai suggéré de sortir s'amuser avec moi et ses sœurs. Elle ne mange pas à table en famille, ne parle que très peu, et par moments je me demande si ce n'est pas elle l'invité de cette maison. Je me sens plus proche de ses sœurs que je ne le serai jamais d'elle, même si nous étudions dans le même établissement, elle et moi. Quant à ma tante Farah, c'est une mère au foyer d'une trentaine d'années, mariée très jeune à un modeste et honorable boulanger. C'est une mère poule par exagération : à l'écoute de ses enfants, toujours présente à leurs côtés, sa main ne quitte jamais la leur, ses mots ne sont que réconfort, sa présence dégage de la tendresse et de la douceur, sa voix est un apaisement et ses yeux ne sont qu'admiration. Les années passent en emportant mes peines et souffrances. Mon père me permit de rester chez les Arfawil tant que ma tante était d'accord. Je me reconstruisis peu à peu dans cette petite maison du bonheur. Mon cœur se rappelle ce battement qui lui est propre. J'acquière un substitut de mère dans les yeux de ma tendre tante. Je suis conforté par mes cousines qui prennent soin de moi. J'admire mon oncle et suis ses pas en traçant mon propre chemin. Sans oublier Donya, grâce à qui je souris. Quand sa maman était occupée par le mariage de Djamila, ou bien trop débordée pour parfaire son éducation, je réservais mes jours libres, mes heures d'oisiveté à apprendre à Donya à marcher, puis courir et enfin me revenir. Plus tard, je l'initie à la lecture, je lui interdis de regarder n'importe quoi à la télé. Je joue de temps en temps avec elle, je la guide dans la rue en lui tenant la main. Donya aimait rester à mes côtés, elle pleurait si je lui montrais du désintérêt et si je ne lui accordais pas de mon temps. Mais un jour, alors que je venais d'avoir seize ans, je revins plus tôt du lycée, je surpris ma tante dans le jardin à hurler au téléphone, assez énervée, bougeant dans tous les coins. J'étais assez loin pour qu'elle s'aperçoive de ma présence, mais assez près pour écouter la cause de cette ire soudaine. (À suivre) H. B.