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“SAWAD FI AMEL” AU THEÂTRE REGIONAL DE BATNA
Une lueur d'espoir
Publié dans Liberté le 26 - 11 - 2011

Alternant les monologues dramatiques et les scènes comiques, le personnage interprété par Rym Takoucht s'est montré sans concessions, en disséquant sans la société. Elle a réussi à capter la lumière même dans le noir le plus total.Le monodrame Sawad fi amel(Noirceur dans l'espoir), interprété par la comédienne Rym Takoucht, a été présenté, mercredi dernier, au Théâtre régional de Batna. Le spectacle n'a pas uniquement amusé et fait rire, il a disséqué des maux sociaux qui marquent notre société, comme la tromperie, la trahison, l'émigration clandestine…Durant soixante-dix minutes, le monodrame a passé en revue les malheurs de la société et les drames de l'homme.
La pièce qui ramasse toutes les obsessions de notre époque, est un véritable réquisitoire contre les injustices. En s'ouvrant, le rideau laisse apparaître une scène à moitié éclairée. Le faisceau lumineux éclairant tantôt la bougie allumée au pied d'un tronc d'arbre aux larges racines noueuses et tantôt la femme-personnage habillée d'une robe d'intérieur, assise sur un tapis et accoudée à son coffre à souvenirs. Rym Takoucht lance, d'entrée de jeu : “Rien dans la vie n'est éternel”. Une phrase à méditer, prononcée sur un ton langoureux, plein de tristesse. Pour faire face à la difficulté, à la trahison et à la tromperie, le personnage plonge dans les souvenirs, et ce, afin de trouver une solution, de susciter une réaction, de favoriser une réflexion. Par le prisme des souvenirs, le personnage cherche en lui-même la force de surmonter le traumatisme psychique et la blessure émotionnelle la plus grave qu'il endure.
La femme retrouve alors ses belles années d'insouciance, d'enfance donc. Elle décline son identité, et raconte comment son prénom a été choisi par sa mère. Une situation loufoque pleine d'humour. “Ghalia! Mon nom est plus beau que ma vie”, martèle-t-elle sur le ton de la dérision. Ensuite, la langue d'El Ghalia se délie, commence alors un long monologue sur sa jeunesse. Elle n'hésite pas non plus, avec son franc-parler et son sens de la rhétorique, à fustiger son mari qui lui a été infidèle. Puis, El Ghalia enchaîne avec l'histoire du moudjahid, Ammi Tahar, et tous crocs dehors, elle pointe du doigt ceux qui ont trahi les valeurs du 1er Novembre 1954, faillissant ainsi sur la promesse qu'ils avaient fait aux glorieux martyrs de la Révolution. Les messages s'entrechoquent et dévoilent des réalités tristement amères. Une pluie de critiques railleuses contre les traîtres s'ensuit. Alternant la tristesse et la gaité, El Ghalia, sans concessions et sans aucune langue de bois, dissèque “sa” société.
Mais elle ne perd pas espoir. Le spectacle a été conçu d'une manière intelligente pour faire émerger le talent indéniable de Rym Takoucht, auréolée de nombreux prix largement mérités. La comédienne a assimilé son rôle de telle sorte qu'elle ne fasse qu'un avec son personnage. Avec une grande agilité et une énergie débordante, Rym Takoucht, par le biais de son personnage, interpelle, met en garde, lance des blagues, pour décrire les maux de notre époque.
La mise en scène n'a pas été en reste, puisqu'elle a été conçue tout en prenant en ligne de compte le souffle poétique du texte. Le rythme des phrases, les silences et le langage du corps laissaient éclater la puissance du texte.
La souplesse du jeu de la comédienne, sa placidité et sa force tranquille contrastent harmonieusement avec la violence des mots et la folie du jeu. Comment ne pas être remué par l'alliance si réussie entre la mise en scène et l'interprétation? Même dans les passages les plus durs de la pièce, rien n'était gratuit. Un mélange de crainte et de fascination nous saisit à l'issue de cette représentation durant laquelle la cruauté de l'homme, de la société, de la vie, a éclaté. Dans le tableau peint en noir par la comédienne Rym Takoucht, une lueur d'espoir a brillé, au milieu de la totale obscurité du réquisitoire qu'elle a présenté. Un spectacle que l'on n'est pas près d'oublier du côté de Batna !
B. Boumaïla


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