Quelque peu expéditif, pour ne pas dire injuste, un lecteur français de ma précédente chronique n'a pas trouvé mieux que de trouver la description faite de la reine Tin Hi Nan fantaisiste, voire exagérée… Feignant d'ignorer que votre chroniqueur du samedi, irascible Andalou qu'il est, ne regarde pas avec les yeux mais avec le cœur… Une façon d'être qui ne l'empêche pas pour autant d'être très au fait des représentations proposées sur le personnage nous tenant à cœur. Au cas où vous ne le sauriez pas cher lecteur, d'où votre second reproche, Georg Wilhelm Pabst, le cinéaste allemand à qui vous faites à juste titre référence, n'a réalisé sa version de l'Atlantide de Pierre Benoît que dix années après la sortie de la première adaptation à l'écran que nous devons au cinéaste belge Jacques Feyder. Puisque vous réveillez en moi le cinéphile injustement réprimé chez lui par quelques commis de l'idéologie dominante, qu'il me soit permis de faire remarquer que la comparaison des limites spatiales et temporelles de ces deux premières œuvres démontre qu'elles ont ceci de commun : certaines distances prises avec le roman ou le mythe platonicien et la rigueur de leur construction. Limites temporelles, car Feyder tourne son film juste après la Première Guerre mondiale, Pabst réalise le sien dans une période trouble qui annonce une catastrophe. Mais cela ne nous éloigne pas pour autant de Tin Hi Nan et du pèlerinage souhaité. Même si la lecture du message en question m'a quelque peu distrait, à telle enseigne que l'avion est parti sans moi. Mais suis-je resté cloué au sol ? Je ne le crois pas, car une idée ne peut jamais connaître les affres de la négation… Surtout lorsqu'un sentiment se propose de rendre hommage au travail inlassable de ces merveilleux archéologues, à l'origine de la réappropriation de pans importants de la mémoire collective de tout un peuple. Un jaillissement que d'aucuns ont voulu réduire à une histoire de sexe, comme si l'Algérie n'avait pas de passé. Un passé merveilleusement représenté par cette femme dont l'intelligence et l'autorité tranchaient avec l'idéologie patriarcale, sans compter une fécondité avérée puisque, selon la tradition orale, elle donna naissance à trois filles : Tinert, Tahenkot et Tamérouelt. Reine mythique des Touareg Ahaggar, devenue figure légendaire et incontournable de l'identité berbère, Tin Hi Nan n'a pas fini — encore aujourd'hui — de livrer tous ses secrets. Plus de 16 siècles après sa disparition, elle remplit son univers de fantasmes et aiguise bien des curiosités scientifiques quant à son identité réelle. Des incertitudes que des chercheurs du Centre national des recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) appellent à dissiper. Cela ne va pas sans susciter des querelles de chapelles entre les tenants de l'implacable vérité scientifique et ceux de la légende et du mythe fondateur des Touareg. Ce qui n'empêchera pas la reine berbère de sillonner en post-mortem plusieurs états, dont celui de New York. Le Dr Leblanc, doyen de la faculté de médecine d'Alger, était le premier à réaliser la première étude anthropométrique sur le squelette d'Abalessa. Mesurant entre 1,70 et 1,75 m, le squelette est, d'après Leblanc, celui d'une “femme de race blanche”. Il se basera, selon plusieurs sources, sur les caractères du crâne, la dimension réduite du sternum et des côtes, la forme et la dimension du bassin et l'aspect des os longs des membres. Leblanc signale aussi que les vertèbres lombaires et le sacrum présentent des lésions manifestes avec déformation sur la cinquième lombaire. Autrement dit, Tin Hi Nan “boitait”. Une confirmation de la thèse de Abderrahmane Ibn Khaldoun rapportant que les ancêtres des Touareg, les Berbères Houara, appelaient Tin Hi Nan Tiski, “la boiteuse”. Dans ses mémoires éditées en 1968 sur les populations anciennes du Sahara et des régions limitrophes, Marie-Claude Chamla conclut que les “restes étaient ceux d'une femme à caractéristiques masculines”, et ajoute que “si les objets découverts dans la tombe n'étaient pas spécifiquement féminins, nous aurions opté pour le sexe masculin”… A. M. [email protected]